Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août 1859.

Une mesure politique dont l’heureux caractère ne saurait être méconnu par personne a été unie avec opportunité aux fêtes qui ont célébré la rentrée de l’armée d’Italie et la paix : c’est l’amnistie. Cette amnistie s’applique à ceux qui ont été condamnés pour crimes et délits politiques et aux personnes qui ont été l’objet de mesures de sûreté générale. L’amnistie, on l’a peut-être trop oublié dans les appréciations auxquelles elle a donné lieu, embrasse donc deux catégories distinctes de citoyens : il y a d’abord ceux qui ont été condamnés en vertu des lois et suivant les formes de la justice ; il y a ensuite ceux qui ont été frappés dans ces luttes politiques où la raison du plus fort est toujours la meilleure. Pour les premiers, l’amnistie est un véritable bienfait : elle efface en effet des crimes ou des délits légalement constatés et des peines légalement appliquées. Si nos discordes et nos vicissitudes n’avaient laissé chez nous que cette seule classe d’hommes souffrant pour leurs opinions et leurs actes politiques, nous louerions encore sans réserve la sagesse de l’amnistie, car les crimes et les délits politiques, lors même qu’ils sont poursuivis et atteints conformément aux prescriptions des lois, ne seront jamais assimilés aux crimes et aux délits ordinaires. La morale humaine tiendra d’un côté toujours compte aux condamnés politiques ou de la générosité des intentions ou de l’entraînement des circonstances, et d’un autre côté elle sait et elle a déclaré de tout temps, par l’organe de ses plus sages et plus éloquens interprètes, que la justice politique est soumise elle-même à des influences passagères, qui, sans altérer sa loyauté, peuvent troubler son impartialité. Une équité élevée prescrit donc aux gouvernemens de réviser périodiquement les arrêts de la justice politique ordinaire, et ce sont ces actes d’une justice plus haute que les chefs d’état ont la mission et l’heureux privilège d’accomplir aux époques d’apaisement en proclamant des amnisties. Mais, si telle est notre opinion sur les amnisties