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de Fleury se lassait de la guerre. Le ministre de Louis XV avait plusieurs motifs pour désirer la paix : d’abord il était vieux, il était étranger aux choses militaires, et il voyait dans la guerre, surtout dans une guerre prolongée, une sorte de contradiction de son système politique. Il y avait d’autres raisons moins personnelles. Les puissances neutres, l’Angleterre et la Hollande, avaient laissé voir déjà des velléités de médiation ; elles proposaient un plan de pacification qui eût consisté à laisser Naples et la Sicile à l’infant don Carlos, à donner Novare, Tortone et Vigevano au roi Charles-Emmanuel, et à rendre à l’empereur tous ses autres états italiens, — la France et la Sardaigne reconnaissant définitivement la pragmatique sanction qui réglait la succession d’Autriche. « Toute la France est généralement si outrée du plan de pacification, écrivait le chargé d’affaires piémontais à Paris, qu’il n’y a point de femme qui ne dise, qu’on aurait fait la guerre pour avoir l’honneur de garantir la succession de l’empereur. » Sans décliner absolument cette médiation, le cardinal de Fleury ne pouvait l’accepter, mais il y vit surtout un trait de lumière, la menace d’une intervention prochaine de l’Europe. D’un autre côté, si l’on voulait pousser la guerre plus loin, il fallait en venir enfin à faire le siège de Mantoue, dernier asile de la puissance impériale au-delà des Alpes, — et tenter d’enlever Mantoue, c’était peut-être exaspérer l’empereur, le réduire à une lutte désespérée qui agrandissait la guerre au lieu de la terminer. Enfin il restait toujours un embarras pour le cardinal de Fleury, c’était de concilier les prétentions contraires de ses alliés, de l’Espagne et du Piémont. La reine Elisabeth voulait tout : elle voulait Mantoue, et même elle ambitionnait secrètement le Milanais tout entier. Sentiment de vieillard amoureux du repos, répugnance secrète contre les velléités de médiation de l’Europe, crainte de pousser l’Autriche au désespoir par une victoire plus complète, difficulté de satisfaire à la fois l’Espagne et le Piémont, ce fut la multiple origine d’une négociation directe à laquelle l’empereur consentit d’autant mieux qu’il était lui-même singulièrement irrité contre les puissances neutres, dont l’alliance lui avait manqué, et les préliminaires de Vienne furent signés en 1735.

Que devenait l’objet primitif de la guerre, de l’alliance de la. France et du Piémont ? Il disparaissait un peu à vrai dire dans les préliminaires de Vienne. Charles-Emmanuel III n’avait plus le Milanais tout entier, il avait seulement Novare et Tortone. L’empereur se désistait, il est vrai, de ses prétentions sur Naples et la Sicile, qui restaient à l’infant don Carlos ; mais il retrouvait la Lombardie, et le duc de Lorraine, qui allait être l’époux de Marie-Thérèse, devait avoir le grand-duché de Toscane à la mort du dernier des Médicis. La France enfin gagnait la Lorraine, momentanément laissée