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LA
MANIE DES LIVRES
A PROPOS D'UN CATALOGUE.[1]



De toutes les folies qui peuvent mener un honnête homme à Charenton, et même ailleurs, la plus innocente à mon gré c’est la manie des livres. Paris est rempli de graves personnages qui sont entichés de ce vice incurable, toujours prêts à condamner les erreurs d’autrui pour glorifier leur propre faiblesse, et d’autant plus malades qu’ils se croient plus sensés. « Vous savez la grande nouvelle, me dit un amateur que je rencontre dans la rue, la figure tout en feu. — Oui, la paix est faite. — Il s’agit bien de la paix ! La bibliothèque de M. Sigogne est vendue, et à quel prix ! Quatre cent mille francs pour posséder seul le Pierre Gringoire sur vélin, au chiffre de Diane de Poitiers ! Quatre cent mille francs pour avoir, sur papier jauni et en lettres gothiques, de misérables poésies qu’on ne lirait pas si elles étaient lisibles. Si c’est à ce prix qu’on estime ces ridicules et grossières vieilleries dont la rareté fait tout le mérite, que valent donc les anciens ? — A propos d’anciens, quand nous donnez-vous cette édition de Pline le naturaliste que nous attendons depuis si longtemps ? — Je suis le plus malheureux des hommes ! Avez-vous vu

  1. Catalogue of the choicer portion of the magnificent library formed by M. Guglielmo Libri, so eminent as a collector, who is leaving London in consequence of ill helth, and solely for that reason disposing of his leterary treasures, etc, London, S. Leigh Sotheby and John Wilkinson, 1859, in-8o.