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raient des gouvernemens réguliers. Administrons nos finances avec la plus grande économie et réservons tous nos sacrifices pour avoir une armée bien organisée et bien disciplinée, sans oublier jamais que les illusions en matière de finances et d’organisation militaire ont toujours été les pièges des gouvernemens provisoires. Abstenons-nous de surveillances tracassières, de soupçons exagérés; évitons de combattre avec violence les opinions contraires aux nôtres et les intérêts que nous froissons, car nous pourrions ainsi faire naître, par un besoin de légitime défense, de vrais partis qui n’existent pas jusqu’ici. Persévérons enfin, sans rien précipiter, dans la voie qui doit nous conduire à rapprocher, relier et fondre tous les intérêts des différentes parties de la péninsule. Il est surtout aujourd’hui une nécessité qui devient à chaque instant plus pressante, c’est celle de mettre fin aux administrations distinctes qui ont existé jusqu’à ce jour dans les états de l’Italie centrale, et de créer une autorité unique investie de la direction supérieure de ces divers états. Cette modification, évidemment dictée par le besoin de l’ordre, de l’économie, de la discipline, sans rien préjuger pour l’avenir, nous aiderait à traverser avec plus de sécurité la période toujours trop longue qui nous sépare encore du moment où nos destinées seront fixées. En un mot, pour nous Italiens, le plus simple devoir de patriotisme et de prévoyance est de tout faire pour que notre cause arrive pure, intacte, gagnée, si l’on me passe ce terme, devant les grandes puissances qui devront nécessairement être appelées tôt ou tard à sanctionner la reconstitution de l’Italie centrale. Je n’ignore pas que, pour arriver à cette solution, nous avons un long et pénible travail, car de tous les côtés il y a bien des préjugés à dissiper, des passions à calmer, des prétentions à modérer, de même qu’il y aura peut-être des transactions partielles et transitoires à subir; mais enfin, quels que soient les efforts et les sacrifices qui viennent s’imposer à nous, ce qui nous importe avant tout, c’est que l’existence du nouveau royaume du nord soit assurée, rationnellement établie, efficacement garantie par l’adjonction des territoires nécessaires à sa défense, et il n’en serait point ainsi dans le cas où, l’Autriche restant en possession de ses forteresses, les duchés ne compléteraient pas la situation défensive du Piémont. Ce qui nous intéresse surtout, c’est que la paix signée sous ces auspices permette promptement au Piémont de reprendre, dans des conditions plus larges, l’œuvre un moment interrompue par la guerre, de remettre de l’ordre dans ses finances, de faire revivre sa constitution désormais étendue à ses nouvelles provinces, de suivre librement en un mot les traditions de sa politique nationale et libérale sans être incessamment placé dorénavant sous la menace des hostilités directes de l’Autriche. Le reste est l’œuvre de l’avenir, que personne n’a le droit d’interdire à nos espérances.


C. MATTEUCCI.


Paris, le 14 octobre 1859.