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nifestations épiscopales en faveur du pouvoir temporel du pape. Ce qui était inévitable est arrivé : il était impossible que les questions d’indépendance et de liberté fussent posées en Italie par la guerre sans que Rome fût atteinte et sans que cette vaste hiérarchie catholique, qui a sa base dans Rome, s’ébranlât. Ainsi le voulait cette logique intérieure qui anime les événemens, et, lente ou rapide, en fait éclore les conséquences.

Avant d’entrer dans le pénible débat que viennent d’ouvrir en France les actes épiscopaux, nous ne pouvons nous empêcher d’exprimer le double sentiment de surprise et de regret que nous avons éprouvé en lisant les écrits des évêques. Ce qui nous surprend, c’est que les évêques aient seulement aujourd’hui l’air de s’apercevoir que les intérêts du pouvoir temporel du pape étaient nécessairement engagés dans la question italienne. Leurs véhémentes et tardives protestations accusent un inexplicable oubli de l’histoire contemporaine. Ils paraissent étonnés des événemens des Romagnes et de ce qu’ils appellent « la misérable suite de nos victoires et du sang de nos soldats ; » mais, bien loin d’être une suite, la nécessité des réformes dans le gouvernement pontifical a été le commencement de cette longue procédure diplomatique qui a, cette année, abouti à la guerre. C’est par Rome que la France a eu légalement accès dans la question italienne. C’est en gardant Rome depuis dix ans que la France a acquis le droit de s’occuper des gouvernemens intérieurs de l’Italie. Appuyant de ses forces l’administration pontificale, la France contractait en quelque sorte aux yeux des peuples une solidarité onéreuse avec cette administration. L’occupation de Rome par la France, l’occupation des légations par l’Autriche étaient des faits irréguliers auxquels la France devait chercher à mettre un terme, soit pour décliner la responsabilité du mauvais gouvernement des états du saintpère et du reste de l’Italie, soit pour obtenir l’amélioration de ce gouvernement, soit enfin pour faire cesser en Italie une intervention étrangère qui excitait des inquiétudes et soulevait des susceptibilités légitimes en Europe. Ce sont ces considérations qui ont décidé la France à laisser porter en 1856 devant le congrès de Paris la question romaine ; comment les évêques ont-ils pu n’y pas prendre garde alors ? C’est le même intérêt qui en 1857 a engagé le gouvernement français à s’adresser à l’Autriche pour aviser, de concert avec cette puissance, à obtenir du pape les réformes intérieures qui devaient délivrer les états pontificaux de l’humiliant fléau de l’intervention austro-française ; les évêques ont-ils pu ignorer cette négociation, qui, par la faute de l’Autriche, demeura infructueuse, et dont, au commencement de cette année, la fameuse brochure Napoléon III et l’Italie signalait l’avortement comme l’un des principaux griefs de la France contre l’Autriche ? Lorsque la paix paraissait encore possible, quelles étaient les bases de négociation que posait la diplomatie ? Les évêques n’ont-ils pas su, comme tout le monde, qu’il n’était question alors ni de la cession de la Lombardie à la Sardaigne, ni du changement ou de la confirmation des dynasties souveraines dans les duchés, mais que l’une des principales bases sur lesquelles on cherchait à s’entendre était la réforme intérieure des états pontificaux et l’évacuation de ces états par les troupes de l’Autriche et par les nôtres ? Les évêques, qui ne veulent pas « qu’on entame la papauté, et qu’on la dé-