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écoliers, et qu’en conséquence, au lieu de suivre, comme d’habitude les premiers rangs de la procession, ils en fermeraient la marche avec leur instituteur. La consternation paralysa d’abord les villageois ; mais bientôt éclata un vif ressentiment contre le Franciman, et à la sortie de l’église il n’y eut pas de reproches ni de menaces qui ne lui furent adressés. N’était-il pas l’auteur de ce retard onéreux de la première communion ? n’était-il pas la cause de toutes les humiliations que subissaient leurs enfans ?

À partir de ce moment, les souffrances d’Urbain augmentèrent de jour en jour. L’abbé Tabourel eut constamment quelques mots aigres à lui adresser au prône ; les villageois se crurent autorisés à mal payer un maître d’école dont le capélan était mécontent, et les élèves, encouragés par leurs parens, n’eurent plus pour lui ni obéissance ni respect. Les paysans reprochaient à l’instituteur de vouloir garder trop de temps leurs fils à l’école, et ce fut en vain que le panar tâcha de lutter contre la ligue que l’abbé Tabourel avait su former contre lui. Son amour pour la Clavelette pouvait seul donner au jeune homme la force de rester à Balaruc, et il comprit alors que le vrai courage est surtout dans la résignation.

Cependant Mlle Barbot, qui ne prétendait nullement coiffer sainte Catherine, nourrissait secrètement certaines prétentions matrimoniales sur le jeune instituteur, et l’idée de trouver une rivale dans Catha était ce qui l’exaspérait le plus contre la naturelle. L’abbé Tabourel était dans les confidences de la sœur et l’encourageait dans son projet d’union avec Urbain, car il connaissait assez la vieille fille pour être persuadé qu’elle ferait un esclave de son mari, et que sa tyrannie, mieux encore que la sienne, triompherait des scrupules du panar, et l’obligerait à entrer dans le parti des blancs. La sœur et le capélan parlaient souvent ensemble de l’avantage de réunir les deux écoles à Balaruc-les-Bains. Le local était assez grand : on prendrait la chambre de Catha pour faire la classe des garçons. On ne disait pas ce que deviendrait la naturelle ; comptait-elle jamais pour rien ? L’école de Balaruc-le-Vieux serait alors une espèce d’asile où le capélan relèverait la foi des vieillards et des malades.

La pensée de se trouver seul et maître à la commune creusait un pli de satisfaction sur les lèvres minces du curé. Mlle Barbot s’habitua si bien à ce projet, qu’il devint son idée fixe. Urbain n’en était pas encore instruit, mais l’abbé Tabourel répondait de lui avec un sourire qui aurait fait frissonner tout autre que la vieille fille. Mlle Ambroisine, trouvant toutefois qu’il était nécessaire d’attirer l’attention du Franciman sur la position avantageuse qu’il aurait en devenant son époux, se décida, avec quelques minauderies, à l’aborder un jour en allant à l’église. Après avoir mis en relief ses qualités et fait sonner bien haut ses économies, après avoir démontré