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À la suite de ces travaux, très favorablement accueillis, M. Michel Chevalier eut son rang marqué parmi nos publicistes. À sa collaboration aux Débats, où il avait des sujets presque réservés, se joignit celle de la Revue des Deux Mondes, dont le cadre comportait de plus larges développemens. De là une série d’études sur Colomb, sur Fernand Cortez, sur le percement de l’isthme de Panama, sur la république d’Andorre, sur la production de l’or et de l’argent dans le Nouveau-Monde, qui, presque toutes, sont appuyées de documens originaux, et qui mirent de plus en plus en évidence les ressources d’un esprit à la fois savant et ingénieux. Ces succès devaient entraîner et entraînèrent vers des fonctions politiques celui qui les avait obtenus. Par ses relations et ses sentimens, M. Michel Chevalier appartenait au parti conservateur. On peut aujourd’hui, sous le bénéfice du temps, porter sur nos querelles d’autrefois un jugement exempt de préventions ; il s’en est attaché à ce mot de conservateur de bien puériles, dont les années ont fait justice. Comme l’affirmaient imperturbablement certains esprits qui ont bien oublié leurs doctrines d’alors, un conservateur dans un régime vraiment représentatif ressemblait-il donc à ces chefs arabes auxquels un commandant de province remet le burnous d’investiture pour en faire des instrumens de sa volonté ? Plus qu’un autre, un conservateur avait besoin d’une valeur propre. S’il donnait son concours, c’était librement ; s’il le refusait, ce n’était pas en méconnaissant l’esprit d’un contrat. Puis, au-dessus et comme garantie, s’exerçait la surveillance de l’opinion, ombrageuse à l’excès et implacable pour les faiblesses, de telle sorte qu’un conservateur n’était jamais un homme acquis, enchaîné par sa position, mais qu’il apportait au gouvernement un dévouement raisonné et par suite d’un prix plus grand, toujours limité et conditionnel, ne s’appliquant ni à tous les actes, ni à toutes les circonstances. Voilà comment M. Michel Chevalier fut conservateur, et j’en trouve la preuve dans la résistance qu’il fit à des mesures qu’il n’approuvait pas. Nous verrons plus tard quelle énergie il déploya dans la poursuite d’un régime plus libéral en matière de douanes ; il ne se montra pas moins résolu au sujet des fortifications de Paris. C’était en 1840, au moment où les chambres furent saisies d’un projet qui devait être converti en loi. Bien des motifs d’un ordre supérieur en conseillaient l’adoption, et le moindre n’était pas de donner au pays cette garantie de plus contre l’affront d’une conquête. On se souvient de cette joute brillante où M. Thiers triompha de beaucoup d’hésitations, et dont les détails sont curieux à relire. Il y a là des objections d’un caractère technique, au sujet du tir et de la portée des pièces, qui seront singulièrement modifiées quand l’épreuve des nouveaux engins de précision aura été faite dans toutes les applications qu’ils