Si notre siècle n’a pas eu la main heureuse en fait de plans de réforme dans l’économie des sociétés et des gouvernemens, ce n’est pas faute d’en avoir eu de très originaux à sa disposition. Dans le nombre figuraient ceux d’une école qui fit quelque bruit il y a trente ans, et dont les membres, dispersés aujourd’hui dans diverses carrières, y ont presque tous réussi, et semblent vouloir, par un retour manifeste aux intérêts positifs, racheter les illusions et les témérités de leur jeunesse. On devine que je veux parler des saint-simoniens. Combien d’entre eux ont le sourire aux lèvres quand on leur rappelle ce temps où, à un peuple ivre d’une victoire remportée au nom de la liberté, ils venaient proposer le plus sérieusement du monde un régime emprunté à l’Égypte et à l’Inde, où toute fonction serait fonction de prêtre et toute propriété bien d’église, où chaque citoyen recevrait des mains de l’état un numéro d’ordre et un diplôme approprié à ses talens, se résignerait à son lot sans murmure, et en arriverait de bonne grâce au plus complet anéantissement de volonté qu’on ait jamais obtenu de la conscience humaine !