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il lance coup sur coup des argumens piquans, des traits vifs et brûlans comme la foudre ; puis, d’une voix qui résonne comme l’ouragan dans les forêts, il éclate en objurgations et en reproches avec une force qui accable son antagoniste, et remplit les auditeurs d’une sorte d’effroi. Il semble s’être donné pour mission spéciale de poursuivre et de couvrir de confusion les novateurs qui mettent en péril les institutions du méthodisme. Il remplit cette tâche avec toute l’ardeur d’un chasseur des bois, et il n’épargne ni les évêques, ni les délégués, ni les présidens, ni les ministres, ni les fidèles. Il fait quelquefois des exécutions terribles, et il se montre à la tribune de la conférence aussi intrépide et aussi irrésistible que le lion dans son domaine.

« Son nom seul attirait des multitudes immenses dans les camps religieux, et sous cette voix puissante, harmonieuse, retentissante comme la trompette, qui tour à tour s’abaissait ou grondait suivant qu’il déplorait la condition des pécheurs ou annonçait leur châtiment, la foule baissait la tête et ondulait comme les longues herbes des prairies sous le souille du vent. »


Ce portrait nous montre Cartwright comme l’adversaire déterminé de toute innovation ; lui-même retrace tous les combats qu’il a livrés au sein des conférences générales. Tout lui est sacré dans cette église au service de laquelle il a voué son existence ; il ne veut pas qu’on en modifie les règlemens et l’organisation, de peur que l’esprit et la fécondité n’en soient atteints du même coup. Ce ne sont pas seulement les vieilles règles qu’il défend ; il regrette le bon vieux temps, les vieux usages et les vieilles mœurs.


« Nous n’avions point, en ce temps-là, de société des missions, ni de société des écoles du dimanche, point de journaux, point de sociétés pour la diffusion de la Bible ou des bons livres, point de collèges, de séminaires, d’académies ni d’universités : tous les efforts pour en fonder avaient échoué radicalement. Nous n’avions point d’églises divisées en stalles, point de choristes ni d’orgues, ni aucune espèce de musique instrumentale. Les méthodistes de ce temps-là s’habillaient simplement, assistaient avec exactitude aux réunions, aux sermons, aux prières et aux classes ; ils ne portaient ni bijoux ni dentelles, il leur arrivait souvent, le dimanche, de faire à pied trois ou quatre milles pour gagner leur classe et autant pour revenir ; ils faisaient trente et quarante milles pour assister aux assemblées trimestrielles, et ils regardaient comme un glorieux privilège de se rencontrer avec leur président et les autres prédicateurs. Ils étaient à peu près tous en état de chanter par cœur nos hymnes et nos chants sacrés. Ils observaient religieusement le dimanche ; la plupart s’abstenaient de liqueurs avant qu’on entendît parler des sociétés de tempérance, et parce qu’elles étaient interdites par nos règlemens généraux. Les méthodistes de ce temps se tenaient debout et faisaient face au prédicateur en chantant les hymnes ; ils s’agenouillaient en public aussi bien qu’ailleurs dès que le prédicateur disait : Prions. On n’en aurait point vu demeurer debout pendant la prière, et surtout l’abominable pratique de s’asseoir pendant ce saint exercice était inconnue chez les méthodistes d’autrefois. Les parens ne laissaient pas aller leurs enfans au bal ou au spectacle ; ils ne les envoyaient pas à l’école de danse. La plupart jeûnaient