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quelques prédicateurs de son choix. Déjà quelques-uns de ses adeptes avaient franchi l’Océan, et avaient fait dans les principaux ports des colonies des essais de prosélytisme ; mais le méthodisme ne put se déplacer qu’en se transformant : Wesley recommandait expressément à ses disciples de se considérer uniquement comme les auxiliaires du clergé, de s’en tenir à la prédication, et de ne s’ingérer en rien dans les fonctions sacerdotales. Ils ne devaient pas même baptiser les enfans, à moins qu’il n’y eût danger de mort ; ils devaient, pour toutes les cérémonies du culte et pour l’administration des sacremens, s’adresser aux ministres régulièrement institués par l’église établie. Rien n’était plus aisé en Angleterre. Il n’en était pas ainsi aux colonies, où le clergé anglican était peu nombreux, et dans les établissemens de l’intérieur, lourdes villes, la règle devint impossible à observer. C’était à ces populations privées de tout secours spirituel qu’il était le plus essentiel de faire entendre la parole divine, c’est au milieu d’elles qu’un zèle légitime et la certitude du succès conduisaient les prédicateurs méthodistes. Ceux-ci se trouvaient tous les jours en présence d’un mort à conduire à sa dernière demeure, d’un enfant à baptiser, d’une union à sanctionner, sans qu’il fût possible de réclamer l’intervention d’un ministre. Il n’était guère possible non plus de se refuser aux désirs hautement exprimés par les fidèles ; l’immixtion des laïques dans les fonctions sacrées devint l’inévitable conséquence d’une telle situation.

La guerre de l’indépendance vint élever une autre barrière entre le méthodisme anglais et ses adeptes d’Amérique. Les missionnaires envoyés par Wesley étaient Anglais : ils étaient désignés d’avance aux soupçons des colons insurgés. Partageant d’ailleurs sur l’insurrection les opinions de leur maître, ils étaient généralement hostiles à la cause de l’indépendance, ils tournaient contre elle l’influence qu’ils avaient acquise, ils se refusaient à jurer obéissance aux nouvelles institutions, et ils encourageaient le refus de serment. Il n’en fallait pas davantage pour attirer sur eux la vindicte populaire, provoquée et stimulée en outre par la jalousie et les dénonciations des clergés américains. Quelques-uns furent emprisonnés, d’autres mis à l’amende, d’autres encore contraints de s’enfuir et de se cacher dans les forêts. Cette persécution, de courte durée, fut pour la plupart l’occasion de montrer une ardeur de prosélytisme, un courage et des vertus qui gagnèrent de nombreux adhérens au méthodisme. Lorsque l’insurrection eut triomphé, lorsque la mère-patrie elle-même eut reconnu l’indépendance de ses colonies, l’opposition des missionnaires n’avait plus de raison d’être. La plupart d’entre eux revinrent néanmoins en Angleterre, à l’exemple d’un grand nombre de ministres