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pour lui le Christ de la Minerve, de demander une statue à Michel-Ange, et de lui remettre la lettre flatteuse conservée dans la précieuse collection de Lille.

Léon X mourut le 1er décembre 1521, un an après Raphaël. L’humble et austère Adrien ne connaissait en fait de peinture que celle de van Eyk et d’Albert Dürer. Ses mœurs simples formaient le contraste le plus frappant avec les habitudes fastueuses de Léon. Sous son pontificat, tous les grands travaux furent arrêtés à Rome et ralentis à Florence. Pendant que Michel-Ange travaillait obscurément à la bibliothèque de Saint-Laurent, le grand siècle de l’art finissait. Raphaël et Léonard étaient morts, et leurs élèves se précipitaient déjà dans une rapide décadence. Les caractères commençaient à s’abaisser en même temps que les talens, et Michel-Ange, qui avait pour ainsi dire ouvert cette grande génération, devait rester seul après tous, comme ces hauts sommets qui reçoivent les premiers la lumière matinale, et qui restent éclairés lorsque tout devient obscur autour d’eux, et que la nuit est déjà profonde.


IV.

Jules II était mort sans avoir complètement atteint son double but : l’expulsion des étrangers de l’Italie et l’absorption des divers états de la péninsule par la puissance papale. En affaiblissant Venise, il avait augmenté d’autant son autorité, mais en détruisant pour jamais une des plus fortes défenses de l’indépendance italienne. La politique cauteleuse de Léon maintint la suprématie de l’église; mais les hésitations de Clément VII ne tardèrent pas à compromettre les résultats obtenus par la hardiesse et par l’habileté de ses deux illustres prédécesseurs. François Ier réclamait Naples, l’empereur le Milanais, et l’Italie fut livrée une fois de plus à toutes les dévastations de la plus horrible des guerres. Le connétable de Bourbon ne s’était pas arrêté à Florence : c’est le sac de Rome, désarmée et plus brillante qu’elle ne l’avait jamais été, que demandaient les bandes espagnoles et allemandes. Le parti républicain de Florence profita de l’abaissement et de la captivité de Clément VII pour chasser de nouveau les Médicis. Le nom de Michel-Ange est intimement lié à ce suprême effort que fit sa patrie pour recouvrer son indépendance, et ce n’est pas un de ses moindres titres de gloire que d’avoir été l’un de ses plus utiles et de ses derniers défenseurs.

Lorsque survinrent les événemens de 1527, Michel-Ange était depuis plusieurs années à Florence occupé des travaux de Saint-Laurent et du tombeau des Médicis. Il avait alors plus de cinquante ans. Son caractère, qui avait toujours été ombrageux, ne s’était pas assoupli avec l’âge. Portant le goût de la solitude jusqu’à la manie, estimant peu la plupart des hommes au milieu desquels il vivait, comme le prouvent assez les sarcasmes et les mots sanglans qu’on lui prête, il ne s’était jamais mêlé aux luttes des partis. Des raisons indépendantes de son caractère lui conseillaient de s’abstenir. Ses convictions républicaines lui faisaient détester le gouvernement tyrannique et impuissant des derniers Médicis; mais son