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une si haute destinée ni l’étendue de son territoire ni le nombre de ses habitans[1]. L’économie de la mer, comme on disait en ce temps, dédaignée par le ministre de Henri IV, au caractère froid et peu entreprenant, ainsi qu’il se qualifiait lui-même, entrevue par Richelieu dans ses projets sur la marine, négligée par Mazarin, qu’absorbaient les luttes du continent, ne fut appréciée à toute sa valeur que par Colbert, dont le génie demandait aux terres et aux mers de nouvelles sources de gloire pour son maître, de nouveaux élémens de fortune pour son pays. Sous le régime de l’ordonnance de 1681, nos pêcheries atteignirent une haute prospérité, qui fut bientôt suivie de cruels retours. Le traité d’Utrecht leur porta un coup funeste en dépouillant la France de l’Acadie et de Terre-Neuve, en ne lui laissant qu’un droit de pêche, pendant la saison d’été, sur une partie de cette dernière île. Le traité de Paris en 1763 mit le comble aux revers en y ajoutant la dépossession du Canada et de l’Ile-Royale (Cap-Breton).

Menacées d’une ruine complète, nos pêcheries ne se sauvèrent que grâce à un article de ce traité qui abandonnait à la France les stériles îlots de Saint-Pierre et de Miquelon, comme un dernier asile pour les vaincus qui voudraient rester fidèles à leur drapeau. L’énergie laborieuse d’une population expatriée donna bientôt à ces points une importance que sut apprécier Louis XVI, zélé restaurateur de la marine. Ces îles, prises par les Anglais pendant la guerre de l’indépendance, rendues par le traité de Versailles, par eux reprises au début de la révolution et gardées jusqu’à la fin de l’empire, furent restituées aux Français en vertu des traités de 1814 et 1815. Derniers vestiges d’une vaste et glorieuse domination dans le nord de l’Amérique, elles mériteraient, si petites qu’elles soient, un pieux hommage du patriotisme, mais elles se recommandent en outre comme points d’appui nécessaires de nos grandes pêches, qui sont elles-mêmes les écoles pratiques de notre navigation : à ce titre, ces possessions sont un des rouages essentiels de la politique coloniale de la France. Pour en montrer le rôle et l’importance, nous décrirons la région maritime qui les entoure, les populations qui s’y adonnent à la pêche, les caractères particuliers, les conséquences économiques et politiques de cette industrie. Nous serons ainsi conduits à apprécier un différend qui divise la France et l’Angleterre, et qui, après avoir retenti au printemps de 1859 dans la chambre des communes, est en ce moment l’objet d’une enquête instruite sur les lieux mêmes par des commissaires. La solution

  1. Voyez, dans la Revue du 15 octobre 1855, une étude de M. Esquiros sur les Pêches et les Populations maritimes de la Hollande.