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à ces événemens de la Haute-Italie qui déconcertaient sa vieille politique ? Toujours est-il que François II entre plus libre dans la vie publique ; il est jeune encore, il a vingt-trois ans à peine. Il a, dit-on, une vénération pieuse pour la mémoire de sa mère, la reine Christine, qui a laissé à Naples de touchans et fidèles souvenirs, et qui était du sang de Savoie. Par sa mère, François II se rattache donc au Piémont ; il est de la maison, et dans ce royaume du nord de l’Italie il ne peut voir qu’un exemple d’une frappante éloquence, celui d’une vieille monarchie se rajeunissant au contact de l’esprit de nationalité, s’affermissant et se fortifiant par l’alliance avec tous les justes instincts de liberté modérée.

C’est donc dans des conditions heureuses pour Naples et pour l’Italie que le nouveau roi monte au trône. La politique de François II reste encore empreinte, il est vrai, d’une singulière réserve, et semble ne se dévoiler qu’avec une certaine timidité. Le nouveau roi de Naples a cependant ouvert son règne par des amnisties qui n’ont besoin que d’être étendues et largement interprétées. Il a laissé voir le dessein d’assurer l’exécution des lois, d’épurer la magistrature, de remédier à des abus qu’il a publiquement reconnus. Enfin il a appelé à la tête du conseil un homme qui garde dans sa vieillesse un esprit actif et résolu, que son passé et son nom rattachent dans une certaine mesure au libéralisme : c’est le général Carlo Filangieri, prince de Satriano, qui est devenu le premier ministre du nouveau règne. François II aura sans doute plus d’une difficulté à vaincre, surtout autour de lui ; il aura l’appui de son peuple, la sympathie de l’Europe, dans cette œuvre de réforme, devenue aujourd’hui d’autant plus naturelle, d’autant plus facile peut-être, que quelques-uns de ces moyens de gouvernement dont disposait le dernier roi tendent à s’affaiblir. Les Suisses vont vraisemblablement disparaître du service de Naples ; les capitulations qui existaient entre la république helvétique et le royaume des Deux-Siciles ont expiré, et un certain nombre de soldats suisses ont déjà quitté Naples, à la suite d’une révolte. D’un autre côté, l’Italie, sans voir se réaliser tous ses vœux, entre dans une voie où l’union des princes et des peuples deviendra sans doute une nécessité heureuse. L’union du royaume de Naples et du Piémont surtout serait la garantie de l’indépendance, de la paix et du rajeunissement politique de l’Italie. C’est ainsi que tout semble attirer le nouveau roi, le successeur de Ferdinand II, à une politique qui ouvrirait une ère nouvelle, et rejetterait définitivement dans l’histoire toutes ces agitations, ces désordres invétérés et ces luttes dont la vie napolitaine a été depuis un demi-siècle la dramatique et violente expression.


CHARLES DE MAZADE.