Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/831

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étrangement jaloux, au milieu d’un pays toujours prêt aux explosions, qu’allait échouer un jour la diplomatie de deux des plus grandes puissances du monde. Lorsque le congrès de Paris, après la guerre d’Orient, évoquait de son autorité propre les affaires d’Italie, il s’engageait évidemment dans une voie hérissée de difficultés, il soulevait une question qui était faite sans doute pour émouvoir l’Europe, mais qui n’était point arrivée encore à sa pleine et entière maturité. Pour le roi de Naples, cette intervention de la diplomatie européenne devait d’autant plus irriter ses jalousies et ses méfiances que l’initiative de cette question venait du Piémont, qu’il avait été jugé sans être entendu, et qu’il n’était pas absolument sans inquiétude au sujet d’une résurrection possible des prétentions dynastiques de la famille du roi Murat. Ce fut pour lui, en fin de compte, une occasion nouvelle de montrer ce caractère difficile à manier, cette fierté d’indépendance qui s’est toujours piquée de résister aux pressions étrangères. Si la France et l’Angleterre avaient cru tout d’abord à la facilité de pacifier l’Italie en obtenant des princes, notamment du pape et du roi de Naples, un adoucissement de régime, elles durent bientôt s’avouer qu’elles avaient eu une illusion naïve.

On se demanda dès le premier jour ce qu’allait faire le roi de Naples, on allait même jusqu’à prévoir la possibilité du rétablissement de la constitution. Ferdinand II ne fit rien, et il répondit aux communications faites au nom de la France d’un ton hautain, qu’il adoucit bientôt, il est vrai, mais qui restait comme l’expression spontanée de son orgueil blessé. « On ne peut comprendre, disait le ministre des affaires étrangères de Naples, comment le gouvernement français, qui se dit si bien informé de la situation des états du roi, peut justifier l’inadmissible ingérence qu’il prend dans nos affaires par la nécessité urgente des réformes à défaut desquelles il est convaincu que l’état actuel des choses à Naples et dans la Sicile constituerait un grave péril pour le repos de l’Italie… Le gouvernement du roi, qui évite scrupuleusement de s’ingérer dans les affaires des autres états, entend être le seul juge des besoins de son royaume à l’effet d’assurer la paix, qui ne sera point troublée, si les malintentionnés, privés de tout appui, se trouvent comprimés par les lois et la force du gouvernement, et c’est de cette manière seulement qu’on éloignera pour toujours le péril de nouvelles convulsions pouvant compromettre la paix de l’Italie. » Si le roi de Naples eût tout à fait osé, il eût répondu par des argumens plus directs, par des comparaisons toujours embarrassantes ; mais ce qu’il ne faisait pas par voie diplomatique, il le faisait faire dans une brochure qui paraissait à Londres, et où, avec un ton narquois de libéralisme, on disait : « Nous n’oublions pas que la vérité n’est guère autorisée à passer la frontière française. »