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finances, et le cabinet, par une sorte de fatuité d’absolutisme, préférait régler le budget par voie d’ordonnance royale. Le dénoûment approchait selon toute apparence. Le 13 mars 1849, le ministre du commerce, le prince Torella, se présenta à la chambre ; il dit quelques mots à l’oreille du commandant de la garde civique, qui fît aussitôt charger les fusils de ses hommes ; puis il remit un pli cacheté au président de la chambre : c’était un ordre de dissolution. Les députés quittèrent le palais législatif sans bruit, et tout fut fini. La constitution ne se trouvait que suspendue à la vérité. On touchait au terme de l’expédition de Sicile.


V

Suivez maintenant du regard cette situation et cette marche des choses où tout s’enchaîne, où toutes les questions se lient. Jusqu’au 15 mai 1848, les idées libérales ont l’ascendant à Naples. C’est le moment où le roi est contraint d’envoyer une armée en Lombardie et de rester inactif en face de la Sicile en révolution. Survient le 15 mai, et aussitôt l’armée est rappelée de la Haute-Italie. Le système constitutionnel n’est point mort tout à fait cependant. À mesure que l’insurrection des Calabres disparaît et que la révolution sicilienne est serrée de plus près, il s’affaiblit peu à peu en présence de la réaction grandissante. La Sicile est déjà reconquise, le régime constitutionnel s’évanouit devant un ordre de dissolution, et au bout de cette carrière, dont le 15 mai est le point de départ, que reste-t-il ? L’omnipotence absolue du roi reparaissant avec ses habitudes de gouvernement, son caractère, son esprit, tel qu’il était autrefois.

Les révolutions de l’Europe ont eu ce résultat imprévu : elles ont donné l’ascendant aux principes des pouvoirs illimités là même où ils n’existaient pas ; elles leur ont donné une force nouvelle là où ils existaient. L’absolutisme revient pas à pas sur la trace de ces révolutions. C’est l’histoire de ces dix années pour Naples. À peine la constitution était-elle suspendue, les ministres mêmes qui avaient proposé la dissolution du parlement ne suffisaient plus. M. Bozzelli, relégué d’abord de l’intérieur à l’instruction publique, disparaissait tout à fait avec le prince Torella. C’étaient les derniers ministres marqués à cette effigie de 1848, et ils avaient pour successeurs MM. Fortunato et d’Urso. À une situation nouvelle il fallait de nouveaux hommes. Le roi Ferdinand rentrait dans cet ordre de choses où les ministres n’étaient que les exécuteurs effacés et dociles de ses volontés. Peu à peu les mailles de ce réseau de l’ancien gouvernement se renouaient d’elles-mêmes et s’étendaient sur le pays. La censure préventive était rétablie pour les écrits, pour les livres comme pour la presse. La police, revenue à ses traditions, passait