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ne sont malheureusement pas nouvelles, où tout est péril pour une assemblée, la faiblesse et l’énergie, la dignité et l’humiliation volontaire. S’il cédait, il disparaissait sans honneur, et avec lui s’évanouissait la dernière lueur de liberté constitutionnelle ; s’il résistait et tentait de se relever ou de s’affermir par quelque acte de vigueur, il allait au-devant d’un conflit qui n’était pas moins fatalement mortel. Il fut prorogé après deux mois de session inutile, et il reçut cette prorogation silencieusement comme l’expression d’un droit constitutionnel du roi. La meilleure preuve que le parlement n’était rien, c’est qu’au moment même où les chambres étaient réunies, mais non consultées, une expédition s’organisait contre la Sicile, et c’était là encore une des conséquences de la journée du 15 mai. Maître de lui-même, de ses résolutions et de sa politique, le roi s’était hâté de rappeler l’armée napolitaine de la Haute-Italie, et maintenant il se tournait vers la Sicile, son dernier embarras, sa grande et sérieuse difficulté désormais.

Ce n’était plus en Sicile comme dans les Calabres une révolte éphémère et partielle à dompter, c’était une guerre entre deux gouvernemens, entre deux peuples, entre deux indépendances, dirai-je. La Sicile se considérait comme un peuple libre et indépendant depuis les inutiles tentatives de conciliation des premiers jours, et ici commence cette triste odyssée sicilienne pleine d’illusions, de fautes et de malheurs. Les Siciliens ne virent pas que ce mirage d’indépendance, dont se laissait éblouir leur patriotisme insulaire, n’était qu’un leurre ; ils cédèrent à l’enivrement de la victoire après la révolution du 12 janvier, au sentiment exagéré d’une force qui n’était que relative, qui n’existait que parce que l’Italie entière était en feu, parce que le roi de Naples lui-même avait les mains liées par la révolution. De là toute leur politique, qui fut avant tout une série d’entraînemens ; de là notamment deux actes qui furent deux témérités suprêmes, et en qui se résumait la dernière pensée de la révolution, pensée de séparation absolue avec Naples. Le parlement sicilien s’était réuni le 29 mars, et son premier mouvement avait été de mettre à la tête du pouvoir exécutif, comme président du gouvernement de la Sicile, l’homme qui était l’expression la plus respectée de la révolution, Ruggiero Settimo. C’était le choix le plus populaire. Ruggiero Settimo avait tout un passé de libéralisme, il était d’une des plus grandes familles de Palerme. Des goûts simples s’alliaient chez lui à des sentimens généreux. On lui donna un jour, comme à Washington aux États-Unis, le droit de franchise postale. Ce n’était pas un Washington ; mais par son âge, par sa modération et son patriotisme exempt d’ambition personnelle, il représentait avec honneur la révolution sicilienne. Ruggiero Settimo composa aussitôt un ministère, dont les principaux membres étaient MM. Stabile,