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est en devoir de prendre part à la lutte qui doit assurer l’indépendance, la liberté et la gloire de l’Italie. Pour nous, bien que pressé d’autres nécessités qui occupent une partie de notre armée, nous entendons concourir de toutes nos forces à cette lutte. Nos frères nous attendent, et nous ne manquerons pas là où il y aura à combattre pour le grand intérêt de la nationalité italienne. » Ce n’était pas sans peine, à vrai dire, que le ministère emportait ces résolutions généreuses. La politique italienne avait à Naples de nombreux et ardens adversaires. Un homme assez connu, M. Luigi Blanch, combattait publiquement dans un journal l’expédition de Lombardie par toute sorte de raisons stratégiques et politiques. Un conseil militaire fut tenu, et tous les généraux étaient opposés à la guerre. L’un des ministres, le colonel Degli Uberti, proposait tout simplement un camp d’observation dans les Abruzzes. Un autre membre du cabinet, le ministre de la justice, Ruggiero, voulait que si on déclarait la guerre à l’Autriche, ce fût avec le dessein de placer l’Italie unie sous le sceptre de Ferdinand II, ce qui était une autre manière de combattre par une chimère l’expédition de Lombardie. Il en résultait que, même après la déclaration de guerre, il restait un foyer permanent d’hostilités et de contradictions où le roi trouvait un appui et comme une force de réaction toujours disponible contre la politique qu’il subissait.

Ce n’était là cependant qu’un des embarras du cabinet du 3 avril. La difficulté la plus sérieuse, l’impossibilité, dirai-je, était dans l’anarchie intérieure léguée par le ministère Bozzelli, dans la scission violente qui s’était déjà déclarée au sein du libéralisme napolitain. Une opposition radicale avait eu le temps de naître et de se propager, soit par suite de la mortelle inaction de M. Bozzelli, soit sous l’influence de la révolution de France ; elle avait son programme et son chef. Ce chef était M. Aurelio Salicetti, qui avait fait une courte apparition au ministère le 6 mars avec Charles Poerio. M. Salicetti, qui n’avait de commun que le nom avec le Salicetti d’autrefois, n’était point alors ce qu’on l’a vu depuis, un des triumvirs de la république romaine, un sectateur de M. Mazzini, qui a fini, dit-on, par se ranger. C’était un homme de résolution et de volonté énergique, qui dans son passage au pouvoir demandait que le gouvernement fût dans le conseil, non dans les rues, et que la constitution devînt une réalité. Malheureusement M. Salicetti n’avait pas toujours un langage et des allures conformes aux usages de la cour ; il affectait des airs de tribun, et de plus dans son visage, aux traits droits et secs, on distinguait je ne sais quelle vague ressemblance avec Robespierre. Il eut une courte fortune ministérielle, et il tomba du pouvoir pour se relever dans l’opposition avec un programme