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formé le 3 avril au milieu de l’excitation publique et des dissensions déjà flagrantes des partis. Ce ministère se composait d’hommes aux intentions les plus droites et les plus sincères. Il avait pour chef Carlo Troia, esprit élevé, historien éminent, ami de la papauté et de l’Italie, libéral modéré, qui était à Naples ce que le digne comte Balbo était à Turin, et qui portait au pouvoir un vif amour du bien, surtout un grand désir de conciliation. Ses cheveux blancs inspiraient le respect, et sa douceur excitait la sympathie. Parmi les membres du nouveau cabinet napolitain, on comptait le marquis Louis Dragonetti, connu par son passé libéral et son patriotisme tout italien ; l’avocat. Raffaelle Conforti, renommé comme orateur ; M. Imbriani, âme impressionnable et ardente, beau-frère de Charles Poerio ; M. Scialoia, jeune et habile esprit, qui a été depuis professeur d’économie politique à Turin ; le comte Pietro Ferretti, fort expert en finances et en industrie, ce même Ferretti dont je parlais un jour en décrivant les malheurs des émigrations italiennes[1]. Ferretti était d’Ancône, non de Naples, et sa présence dans le conseil semblait un gage de plus pour les autres états de la péninsule. Le ministère du 3 avril, composé de ces hommes et de quelques autres, se mit aussitôt à l’œuvre. Il modifia la loi électorale en abaissant le cens, fixa les élections au 15 avril, organisa la garde nationale, mit la main à la réforme de la magistrature. Il se préoccupa surtout de la question nationale, de la participation de Naples à la guerre de l’indépendance.

C’était là, sans contredit, la première raison d’être du cabinet, et M. Troia n’obéissait pas seulement à un mouvement de patriotisme italien ; il avait une autre pensée. « C’est en Lombardie, disait-il au roi, que votre majesté retrouvera la couronne de Sicile. » Aussi, dès le 7 avril, la guerre était-elle formellement déclarée à l’Autriche. La flotte napolitaine cinglait vers l’Adriatique, et un corps d’armée était expédié vers le nord de l’Italie sous le commandement du général Guillaume Pepe, patriote ardent, soldat vieilli et politique puéril, qui venait de rentrer de l’exil. Un nouveau ministre, M. Pietro Leopardi, allait représenter Naples à Turin et au camp piémontais en Lombardie, et en même temps des plénipotentiaires partaient pour Rome avec la mission de travailler à l’organisation de la ligue italienne. Tous ces actes s’éclairaient d’une proclamation royale où Ferdinand II arborait nettement, ouvertement, le drapeau de l’indépendance de l’Italie. « Les destinées de la patrie commune vont se décider dans les plaines de la Lombardie, disait le roi le 7 avril, et tout prince, tout peuple de la péninsule

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1859, Une Vie d’Emigré italien.