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volonté d’ailleurs, eût été bien embarrassé de lui donner la réparation qu’il demandait, et le prince Schwarzenberg partit le cœur plein de ressentiment en disant : « Je reviendrai d’ici à quelques mois ! » de telle sorte que le ministère resta avec l’embarras de la rupture sans avoir le mérite d’une politique plus nationale. Un autre jour ce fut l’expulsion des jésuites arrachée par ce procédé sommaire des manifestations tumultueuses. Cette terrible question s’était déjà élevée plus d’une fois dans le conseil sans que les ministres pussent arriver à prendre une résolution ; ils n’osaient ni défendre les jésuites ni les bannir. Les agitateurs s’en mêlèrent, et on entoura en tumulte la maison de l’ordre en réclamant le départ des pères. Les ministres coururent au palais, ne sachant quoi résoudre, n’ayant pu prévenir la sédition et n’osant la réprimer. Ils s’arrêtèrent a un moyen terme qui consistait à renvoyer dans leurs foyers les jésuites napolitains et à embarquer les autres ; mais ce n’était point l’affaire de la manifestation, qui voulait l’expulsion de tous les jésuites sans distinction, et ceux-ci furent en effet tous embarqués par l’autorité des agitateurs, qui se montrèrent impitoyables. Il y avait un de ces malheureux religieux qui était agonisant ; il ne fut pas moins transporté dans une voiture découverte : deux autres religieux récitaient auprès de lui les prières de la dernière heure, et ce spectacle dramatique ne laissait point d’émouvoir le peuple. La vraie politique eût été de marquer hardiment ce qui était juste, ce qui était possible, et d’arracher par une action vigoureuse ce régime nouveau au danger des agitations indéfinies. Le ministère n’en fit rien. Après deux mois, il se trouvait entre un parti ardent qui dépassait déjà dans ses aspirations, dans ses idées, cette constitution qui venait à peine de naître, et tous ces désordres qui effrayaient les esprits, en suspendant l’activité du pays, en appauvrissant le peuple, provoquaient une certaine réaction et devenaient un sujet de triomphe et d’espoir pour l’absolutisme. En deux mois, M. Bozzelli avait usé sa popularité, qui était immense ; il disparut sous une sorte d’animadversion universelle, abandonné de quelques-uns de ses collègues tels que Salicetti et Poerio, et laissant le pays dans une situation déjà singulièrement compromise. Ainsi avait vécu, ainsi finissait le premier ministère constitutionnel napolitain.


III

Un effort était possible encore peut-être, et dans tous les cas il était désirable, pour redresser cette politique, pour la relever à la hauteur d’une politique constitutionnelle et nationale et ressaisir la direction de l’opinion. Cet effort fut tenté par un ministère laborieusement