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droit de vivre qu’elle n’avait jamais eu. Ces concessions auraient suffi sans doute le 12, elles étaient tardives et impuissantes après une insurrection victorieuse, et le marquis de Spedalotto répondait avec hauteur au nom du gouvernement nouveau : « Les armes ne seront déposées, les hostilités ne seront suspendues que lorsque la Sicile réunie à Palerme en parlement adaptera à notre époque la constitution que notre pays a possédée pendant plusieurs siècles, qui a été réformée en 1812 sous l’influence de la Grande-Bretagne, et qui a été confirmée implicitement par un décret royal de 1816. » Ainsi en quelques jours la rupture était complète ; de toute la Sicile, il ne restait plus au pouvoir des forces royales que la citadelle de Messine.

Et les événemens ne marchaient pas moins vite à Naples, où la révolution sicilienne faisait vibrer les âmes. Dans cette révolution, il y avait, il est vrai, une dangereuse pensée de scission ; pour le moment, on ne voyait que la commotion imprimée à l’Italie entière et au royaume napolitain par une insurrection qui parlait de constitution et de nationalité. À Naples, l’agitation grandissait d’heure en heure aussi bien que dans les provinces de la Basilicate, de Salerne, qui commençaient à s’ébranler, et le gouvernement se voyait assiégé par cette marée montante de l’opinion surexcitée. Enfin arrivait le 27 janvier, journée grise et pluvieuse où une immense manifestation populaire remplissait les rues de Naples. Des drapeaux aux trois couleurs italiennes flottaient partout et étaient promenés aux cris de vive la constitution ! Une circonstance servit singulièrement cette manifestation à sa naissance : le bruit se répandit tout à coup que le roi était prêt à donner spontanément cette constitution qu’on demandait, et la démonstration se grossit de tous ceux qui suivent le vent, qui ne voulaient pas être moins libéraux que le roi. Il n’en était rien cependant ; Ferdinand II tenait ferme encore, ému sans doute des événemens de Palerme, agité de violens combats intérieure, mais irrité autant qu’ému et décidé à résister. Déjà les troupes se serraient en bataille autour du palais. Le château Saint-Elme arborait le drapeau de la guerre, la bannière rouge. Trois coups de canon partaient des forts en signe d’alarme, et comme pour ouvrir les hostilités. Comment la collision s’arrêta-t-elle ? Parce que le commandant du château Saint-Elme, le général Roberti, déclarait qu’il était prêt, en soldat loyal, à défendre le fort contre toute attaque, mais que s’il fallait tirer sur une population inoffensive, il préférait remettre sa démission au roi, et le roi lui sut gré, dit-on, de cette honnête franchise. De son côté, le général Statella, commandant de la garnison de Naples, parcourait la ville et revenait au palais avec la conviction qu’on se trouvait en face d’un mouvement