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les enflammant, le roi Ferdinand II s’isolait, résistait et traitait presque le pape de jacobin. Lorsque Rome, la Toscane, le Piémont en étaient encore aux réformes civiles et administratives, à ces premiers pas d’une laborieuse régénération pratique, Naples, d’un bond et sans nulle transition, s’élançait jusqu’au régime constitutionnel, accélérant la marche et hâtant les événemens. Lorsque tout semblait tendre à fondre les vieilles rivalités locales dans un sentiment commun de nationalité italienne, ce mouvement était brusqué par une explosion imprévue de l’esprit municipal. La Sicile allait entraîner Naples, Naples allait entraîner l’Italie, et désormais s’ouvrait cette carrière où éclate si souvent le mot des révolutions sans direction : il est trop tard !

C’est en Sicile que s’allumait la première étincelle, je viens de le dire. Enfermés dans leur île, les Siciliens ne laissaient point de partager les surexcitations de l’Italie entière, et sans cesser de donner à leurs sentimens une forme toute locale, ils demandaient, eux aussi, des réformes en invoquant les noms de Pie IX et des autres princes italiens. Ils allaient plus loin dès les premiers jours de 1848 : ils donnaient en quelque sorte rendez-vous au gouvernement en assignant un terme à leur patience, et, chose étrange, on vit une ville fixer le jour, l’heure, le lieu où une population tout entière se trouverait en armes, si elle n’avait point obtenu les réformes qu’elle demandait. C’est ainsi que le matin du 12 janvier 1848, à l’heure fixée, éclatait l’insurrection de Palerme, insurrection mal combattue d’abord, exaspérée par une répression impuissante, bientôt victorieuse et appuyée aux yeux de l’Europe d’une protestation du corps consulaire étranger contre un bombardement inutile. Le roi Ferdinand se hâtait d’envoyer un de ses frères, le comte d’Aquila, et des forces nouvelles pour réduire Palerme ; mais quelques jours avaient suffi pour que l’insurrection devînt universelle et gagnât toutes les classes de la population, la noblesse, le peuple et le clergé lui-même. C’était moins un soulèvement politique ordinaire que l’insurrection frémissante de cette petite nationalité, qui dès le premier moment s’armait, s’organisait et se donnait pour chefs non de vulgaires agitateurs, mais des hommes considérés, de vrais Siciliens, dont le plus populaire était un ancien amiral, Ruggiero Settimo. Dans les premiers comités de la révolution sicilienne figuraient le duc de Terranova, le duc de Gualtieri, le marquis de Rudini, Stabile, La Masa, Castiglia. Alors à Naples on songea aux concessions, et le 18 janvier paraissaient plusieurs décrets royaux qui donnaient une autorité nouvelle aux consultes de Naples et de la Sicile, qui prononçaient la séparation administrative à peu près complète du royaume et de l’île, qui donnaient même à la presse une sorte de