Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/758

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consent à y assister ; dans tous les cas, ils ne tenteront pas l’épreuve d’un congrès, si d’avance un accord ne s’est établi entre les puissances sur les solutions qu’il y aura lieu de sanctionner. Couverts par ces précautions, qui semblent protéger le cabinet de lord Palmerston contre la motion de lord Elcho, les ministres whigs ont soutenu avec fermeté par l’organe de lord John Russell, avec esprit par la voix de lord Palmerston, avec une chaleureuse élévation par la bouche éloquente de M. Gladstone, la cause du libéralisme italien. Ils ont proclamé une vérité dont nous avons pu nous assurer nous-mêmes : c’est que le mouvement italien actuel est dirigé par des libéraux intelligens, éprouvés, nombreux, que le salut de l’Italie est attaché au succès de ces patriotes, et qu’entre eux et les libéraux du reste de l’Europe il y a une solidarité que l’Angleterre ne répudierait pas sans manquer à ses devoirs et à ses intérêts, car, si le mouvement actuel venait à succomber en Italie, il n’y aurait plus à opter pour ce pays qu’entre l’absolutisme et le mazzinisme.

Sans doute, parmi les résistances que rencontre aujourd’hui en Angleterre la pensée d’une délibération commune sur les affaires d’Italie, l’on ne doit point omettre l’émotion inquiète que la question des défenses nationales y a récemment excitée. C’est avec un profond regret, nous l’avouons, que nous avons vu une portion imprudente et peu équitable de la presse française prendre inconsidérément plaisir à irriter cette émotion. Ce n’est point à la légère et par un caprice soudain que la question des défenses de l’Angleterre s’est emparée de l’esprit public. Lorsque la guerre n’engendre pas la guerre, elle engendre du moins la peur de la guerre : c’est un effet si naturel, que la France, faisant la guerre, n’avait pas le droit de s’étonner en le voyant se produire de l’autre côté du détroit. Une commission spéciale nommée par lord Derby pour examiner les moyens de recruter les équipages de la marine anglaise a publié son travail au printemps dernier, et le rapport de cette commission, qui accusait fortement les lacunes bien connues qui existent dans le système défensif de l’Angleterre en présence des conditions nouvelles dans lesquelles la marine à vapeur, l’artillerie de précision et peut-être les vaisseaux cuirassés de fer placent la tactique et la stratégie navales, ce rapport, disons-nous, a dû être naturellement le thème des polémiques les plus anxieuses et les plus animées. Le gouvernement anglais n’est pas un gouvernement secret ; c’est par la publicité et la discussion que devait donc s’agiter cette question nationale. Les Anglais entament toujours avec fracas les questions qui sont pour eux la préoccupation exclusive du moment. En temps de paix, ils font le plus de bruit qu’ils peuvent autour des réformes politiques ou économiques, et oublient dédaigneusement les intérêts militaires ; dans un temps où la guerre ébranlait l’Europe, il est naturel qu’ils aient pensé uniquement à ces intérêts longtemps négligés, et qu’ils les aient discutés avec leur fougue accoutumée. De même que, quand la France s’occupe de sa marine, elle pose l’hypothèse d’une guerre avec l’Angleterre, il est également logique que l’Angleterre s’occupe de sa flotte, de son armée et de la fortification de ses arsenaux, dans l’hypothèse d’une guerre avec la France. Pourquoi nous tant étonner et nous tant récrier ? Tous les esprits sensés savent dans ce pays que l’alliance de la France avec