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ferons pas remarquer que la conservation de la Vénétie par l’Autriche laisse subsister le principe de toutes les anciennes réclamations du patriotisme italien. Si ces réclamations étaient justes lorsqu’elles portaient à la fois sur la Lombardie et sur la Vénétie, ne conserveront-elles pas la même justice lorsqu’elles s’appliqueront à Venise ? Nous ne dirons rien de l’annexion à la Sardaigne de la Lombardie mutilée de ses forteresses, et par cela même devenant pour le Piémont une possession précaire et ruineuse, si l’on se croit obligé d’opposer sur la rive droite du Mincio des murailles et des canons au formidable carré des citadelles autrichiennes. Nous considérons ces conditions comme un fait accompli, à propos duquel les regrets seraient aujourd’hui stériles. C’est une expérience nouvelle qui commence en assurant à l’Autriche un nouveau bail en Italie : sur la durée et le succès de cette expérience ; nous ne voulons rien préjuger. Ce qui serait d’un mauvais présage, ce sont les forfanteries imprudentes de quelques journaux autrichiens qui osent dire déjà que la Lombardie ne sera perdue pour l’Autriche que pour peu de temps ; ce sont encore les dispositions du parti clérical, qui ne se montre pas plus content que les autres, et qui, dans son mécontentement, semble dire que rien n’est fini dans aucun sens. Les plénipotentiaires français et sarde obtiendront-ils à Zurich une interprétation des préliminaires plus favorable sur quelques points de détail ? Nous le souhaitons sans oser l’espérer. La tache du plénipotentiaire sarde sera pénible dans cette négociation. Si pourtant la finesse, l’habileté et l’expérience des affaires y peuvent quelque chose, la Sardaigne a droit d’attendre de bons services de son représentant. M. Des Ambrois de Nevache, président du conseil d’état et vice-président du sénat, est un de ces ministres du roi Charles-Albert qui ont eu l’honneur de signer le statut, ce pacte des nouvelles grandeurs de la maison de Savoie et des espérances de l’Italie. Il sera accompagné de M. C. Nigra, qui, depuis un an, a joué un rôle discrètement, mais activement mêlé aux grandes affaires diplomatiques de la Sardaigne, et cette adjonction n’est point non plus faite pour décourager les espérances que comporte la situation des choses.

Si nous renonçons pour le moment à discuter les questions territoriales, c’est que les autres questions indiquées dans le traité, ou léguées par la guerre, nous paraissent bien plus graves. Les plénipotentiaires annoncent d’une part que les deux empereurs favoriseront la création d’une confédération italienne, et d’autre part, que le grand-duc de Toscane et le duc de Modène, rentreront dans leurs états. Ces deux questions, jointes à la situation des légations et à la question du gouvernement pontifical ont entre elles une étroite et sérieuse connexité. Elles n’excitent pas seulement l’anxiété des libéraux italiens, elles doivent inspirer une profonde sollicitude à tous les libéraux de l’Europe, et surtout à toutes les nuances de l’opinion libérale en France, car c’est en elles que viennent se concentrer les responsabilités que nous venons de contracter envers l’Italie, et c’est de la solution qu’elles recevront que dépend la justification morale de la guerre entreprise par la France au nom de l’indépendance italienne.

Le lien qui unit ces trois questions est aisé à discerner. Il saute aux yeux que la confédération que l’on se propose d’organiser en Italie recevra son