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Palmerston à en expliquer l’origine et le caractère. À propos de ce prétendu plan de médiation, lord John Russell s’était contenté de dire qu’aucune puissance neutre n’avait, à sa connaissance, présenté à l’Autriche un projet de médiation quelconque. Cette dénégation, identique à celle de la Prusse, mettait à couvert la responsabilité du gouvernement anglais, et la Russie, à son tour, étant venue protester de son abstention, les trois puissances neutres démentaient également l’insinuation autrichienne ; mais M. Disraeli, qui connaissait la chronique secrète de cet incident, dont l’Europe s’est tant occupée depuis quinze jours, a voulu mettre le public au courant de ce qui s’était réellement passé. Par une question très détaillée, et où était adroitement mêlée une incrimination contre la responsabilité du ministère anglais, il a ouvert la bouche à lord Palmerston. Le noble lord nous a donc appris qu’à un certain moment de la guerre, M. de Persigny avait donné à lord John Russell « un petit papier » (a small bit of paper) sur lequel étaient écrites certaines conditions d’arrangement conçues en termes généraux, avec prière de transmettre ce mémorandum au gouvernement autrichien, en le lui recommandant comme un projet sur lequel la paix pourrait se conclure. Le gouvernement anglais, désirant la fin de la guerre, ne crut pas devoir refuser de servir d’intermédiaire à des communications qui avaient la paix pour objet, et fit la commission. Le mémorandum français fut transmis au ministre d’Autriche ; mais lord Palmerston a eu bien soin de dire que lord John Russell avertit le ministre autrichien que c’était là une proposition française, sur laquelle le gouvernement anglais n’avait aucune opinion à exprimer, et que c’était à l’Autriche de décider quel usage elle en voudrait faire. Lord John Russell a-t-il apporté réellement dans la transmission du petit papier la circonspection, la discrétion et la réserve que, soucieux de prouver qu’il n’a point enfreint la ligne de neutralité que l’opinion anglaise imposait au gouvernement pendant la guerre, lord Palmerston revendique pour son collègue ? De nouvelles révélations diplomatiques nous l’apprendront sans doute plus tard. Pour le moment, il est permis de considérer comme vidé cet incident bizarre. Que si l’on tenait absolument à mettre d’accord les déclarations des deux empereurs, ne pourrait-on pas supposer que l’Autriche, par une de ces étourderies dont elle a donné tant de preuves depuis quelques mois, a voulu voir la malveillance des neutres dans ce petit papier qu’elle a considéré à tort comme exprimant leur pensée, et qu’envers la France le mauvais vouloir de l’Europe a été justement la répugnance des neutres à s’approprier le mémorandum remis par M. de Persigny à lord John Russell ?

Mais bien que ces discussions aient leur importance, elles paraissent presque futiles, si on les compare aux soucis que doivent inspirer l’état actuel de l’Italie et l’installation du régime nouveau que le traité préliminaire de Villafranca veut donner à la péninsule. Il est difficile, quand on réfléchit sur ces préliminaires, de n’être point un peu de l’avis de lord John Russell, qui jeudi dernier disait dans la chambre des communes que ce traité, si on tient compte de son objet, qui est le règlement des affaires italiennes, porte les traces de la hâte avec laquelle il a été conçu et rédigé. Nous ne parlerons pas des arrangemens territoriaux fixés par ces préliminaires. Nous ne