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motif décisif d’une paix offerte et acceptée des deux côtés comme un pis-aller, comment il aurait pu peser sur l’un des deux souverains sans agir par cela même en faveur de l’autre. La cour de Vienne a senti apparemment cette fausse position, et pour justifier l’assertion de l’empereur François-Joseph, elle a cru devoir livrer à la publicité certaines bases de pacification, en les représentant comme un projet de médiation qui lui aurait été transmis par les puissances neutres. Ce projet demandait en effet à l’Autriche des sacrifices plus considérables que ceux qu’elle a faits à Villafranca. Il comprenait sept articles : l’Italie devait être rendue à elle-même ; elle devait former une confédération ; la Sardaigne devait avoir la Lombardie, les forteresses comprises, avec une portion des duchés ; un état indépendant comprenant Venise et Modène serait constitué sous un archiduc ; la duchesse de Parme devait avoir la Toscane ; les légations formeraient une vice-royauté, avec une administration laïque, sous la suzeraineté du saint-père ; enfin un congrès devait être réuni pour transformer l’Italie sur ces bases, en ayant égard aux droits acquis et aux vœux des populations. Certes, une fois la guerre entreprise, de pareilles conditions paraissaient devoir en être l’objet raisonnable et modéré ; mais était-il vrai, comme le donnait à entendre le cabinet de Vienne, que ce fût à un tel programme que les puissances neutres, la Prusse et l’Angleterre, se seraient arrêtées dans ce plan de médiation que l’on croyait la Prusse occupée à élaborer ?

Nous savons aujourd’hui l’histoire de ces sept articles ; la discussion qu’ils ont excitée nous a même appris quelque chose de plus : elle nous a mis au courant des relations diplomatiques engagées entre la Prusse et l’Autriche au sujet de la guerre, et nous a fait assister au début du travail de médiation que la Prusse commençait à peine, lorsque la surprise de Villafranca est venue si à propos affranchir Berlin d’une tâche si difficile. Le cabinet prussien a eu à cœur de se laver du reproche que le cabinet de Vienne faisait planer sur lui. Il n’a pas voulu rester sous le coup d’une imputation qui représentait l’Autriche comme plus maltraitée par la Prusse, son alliée et sa confédérée, que par la France, son ennemie. Il a publié ses vieilles dépêches ; Vienne a riposté. Les deux chancelleries allemandes, d’ordinaire si mystérieuses, ont livré tous leurs secrets. Nous savons maintenant ce que l’Autriche demandait à la Prusse, et ce que la Prusse voulait faire. Ces divulgations rétrospectives, nous le disons franchement, font peu d’honneur à la diplomatie allemande. Il faut les envoyer dans ces limbes encombrées de paperasses soi-disant politiques auxquelles devait songer Oxenstiern quand il disait à son fils : « Allez voir, mon enfant, combien est petite la sagesse qui préside au gouvernement des états ! » Nous n’avons pas à nous plaindre, nous autres Français, de cette manie procédurière qui paralyse la diplomatie allemande. C’est donc avec une complète liberté d’esprit que nous en constatons la stérilité. La Prusse, on doit lui rendre cette justice, n’avait pas les intentions que lui prête le cabinet de Vienne ; elle se proposait avec sincérité, croyons-nous, d’obtenir pour l’Autriche, par sa médiation, les meilleures conditions possibles : elle voulait par exemple maintenir le statu quo territorial, tout en obtenant des garanties pour un meilleur gouvernement intérieur de l’Italie. Son programme au fond n’allait pas au-delà des