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un de ses prêtres, qui était impliqué dans un des griefs dont le concile avait à connaître, et on l’amenait à Tyr chargé de chaînes. Athanase voulut le protéger de sa personne et partager ses périls. Aussi habile qu’il était résolu, il fit ce qu’on pourrait appeler un coup de parti électoral, du reste très légitime ; il amena avec lui quarante-neuf évêques d’Égypte, dont la présence changeait la majorité. Les débats s’engagèrent sur un incident, les violences auxquelles on accusait saint Athanase de s’être livré contre des évêques d’Orient. Il se justifia sur tous les points et donna des preuves matérielles de la fausseté des accusations qui lui étaient intentées ; mais ses adversaires, par une tactique parlementaire trop souvent employée depuis, cherchèrent à gagner du temps, c’est-à-dire à en perdre : ils demandèrent la nomination d’une commission chargée de faire une enquête en Égypte. Athanase voulait qu’au moins le choix de la commission fût concerté entre les évêques des deux partis ; on ne tint aucun compte de sa réclamation. Les évêques égyptiens, exclus de la commission d’enquête, protestèrent. La séance fut très orageuse : toute l’assemblée était dans un mouvement extraordinaire, le peuple lui-même commençait à s’en mêler ; les uns prenaient le parti de saint Athanase, les autres le craignaient comme un sorcier et demandaient sa tête. Athanase, voyant que la violence avait le dessus, quitta la ville de Tyr pendant la nuit. Il parut aux portes de Constantinople au moment où l’empereur y faisait son entrée, et, mettant la main sur la bride de son cheval, il lui demanda justice. Constantin passa outre, mécontent et troublé. Quelques jours après, il consentit à écouter l’évêque d’Alexandrie ; mais il était prévenu. « Il reçut fort mal les plaintes de saint Athanase et s’offensa du ton de grande liberté qu’il prenait avec son souverain. À plusieurs reprises, il voulut l’interrompre, le faire sortir de sa présence et le chasser de sa cour ; mais Athanase ne se troublait pas et soutenait d’un front intrépide le regard souverain qui faisait trembler le monde. »

Cette fermeté déplaisait à Constantin et l’embarrassait tout à la fois ; il écrivit au conseil : « Je ne comprends rien à toutes les choses que vous avez décidées dans votre assemblée, au milieu des troubles et des orages. » Il put bientôt comprendre les actes du concile, car à la suite d’une enquête scandaleusement passionnée, mêlée de violences, et qui avait accueilli les faits les plus contradictoires de la bouche des ennemis de saint Athanase, Juifs ou païens, celui-ci fut déposé de son siège épiscopal d’Alexandrie. Dès le lendemain, il était question de rappeler Arius. Cependant il fallait obtenir un édit d’exil contre l’évêque déposé. Pour cela, le parti vainqueur et implacable mit en avant une accusation ridicule. Athanase fut accusé