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et présenté à ce sujet plusieurs considérations ingénieuses et nouvelles ; il a rapproché avec justesse cet événement du second séjour de Constantin à Rome, et du déplaisir que, durant ce séjour, il ressentit et manifesta contre l’obstination du vieux paganisme, qui s’était retranché au Capitole, et dont les sectateurs attardés témoignèrent au premier empereur chrétien un mécontentement qui alla jusqu’à l’insulte. Je crois que Constantin eût pu braver ce mécontentement et le mépriser, je crois que cet abandon de Rome la livra, et avec elle l’Occident, aux Barbares ; mais au point de vue catholique on ne saurait regretter la fondation de la nouvelle capitale : elle produisit l’indépendance et par suite la grandeur de la papauté. Si le pape eût résidé dans la même ville que l’empereur, le pape n’eût jamais été chez lui. Le pape serait devenu ce que serait devenu Pie VII, s’il eût consenti à s’établir à Paris, un grand dignitaire de la cour impériale. À Rome, il fut le successeur et l’héritier de l’empire romain.

Je ne m’arrête pas au tableau très bien fait de l’organisation administrative et militaire établie par Constantin, parce que ce tableau ne se rattache point directement à ce qui me paraît être la pensée principale du livre, l’action mutuelle de l’empire sur l’église et de l’église sur l’empire. On n’en peut dire autant de l’influence toujours croissante du christianisme sur la législation romaine, que M. de Broglie a déjà signalée et dont il montre de nouveaux effets : le divorce rendu plus difficile, le concubinat flétri, la condition des femmes améliorée, l’affranchissement facilité et encouragé. Mais tandis que l’église faisait ainsi pénétrer dans les institutions de l’empire quelque chose de la morale du christianisme, l’empire allait continuer à peser sur l’indépendance de l’église, Constantin allait exercer une influence toujours plus oppressive sur ses affaires intérieures à l’occasion de cet interminable débat de l’orthodoxie et de l’arianisme qu’il avait cru trop tôt étouffé.

La cause d’Arius avait presque cessé d’être une question religieuse. D’une affaire de parti, elle était devenue une affaire d’intrigue. Les évêques courtisans qui protégeaient Arius, Eusèbe de Nicomédie à leur tête, voulaient qu’il fût absous pour humilier saint Athanase, trop indépendant à leurs yeux. Arius, à qui l’audace n’avait pas réussi, avait appris de ses protecteurs à se réfugier dans la ruse. Il se disait soumis au concile de Nicée, et présentait une déclaration dans laquelle il admettait le Dieu-Verbe, se refusant seulement à le déclarer consubstantiel au Père. En repoussant de l’église d’Alexandrie ce prêtre d’une foi pour lui plus que suspecte, c’était surtout les droits de l’épiscopat que défendait saint Athanase. En effet, l’évêque seul était juge de l’orthodoxie de son subordonné, l’empereur