Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/553

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monarchie féodale, doit s’établir définitivement en Europe, de la monarchie administrative ou de la monarchie représentative. C’est assurément une question de pure théorie ; aucune révolution ne menace ; aucun parti n’est là qui frappe à coups de hache aux portes des Tuileries pour y entrer de vive force. Nous cherchons dans la paix et l’impuissance de la spéculation quel est, dans l’ordre politique, le meilleur dénoûment de la révolution française.

Encore réduisons-nous la question au choix entre deux monarchies, et, pour pacifier le débat, nous les examinons en elles-mêmes et non dans leur histoire. Nous ne voudrions discuter la conduite de personne ; cependant si l’on nous disait que l’expérience a prononcé, et que la monarchie représentative est tombée, on nous forcerait de demander où est ce qui n’est pas tombé. La monarchie administrative a été, dans les conditions de l’ancien et du nouveau régime social, inaugurée deux fois dans de magnifiques proportions. Or quel est l’historien qui ne voit dans le déclin de celle de Louis XIV poindre l’aurore de la révolution française ? de nos jours (quel plus instructif exemple ?), la monarchie administrative fondée au sein de la gloire a été organisée sur le plan le plus vaste, par un des plus grands princes que le monde ait admirés. Eh bien ! parlons-en avec la liberté de l’histoire, elle a duré dix ans, et la Providence a voulu que ce gouvernement, créé et conduit avec génie, pérît de la plus triste des manières de périr, qu’il tombât avec l’indépendance nationale. Et quelle est la cause de ce grand désastre ? Une seule, un pouvoir illimité.

La monarchie administrative n’a donc pas le privilège de la durée, et ce n’est pas elle que l’expérience recommande préférablement à tout le reste aux nations qui veulent réformer solidement leur gouvernement. Si on la confond avec l’absolutisme, dont elle n’est guère séparable, elle n’y gagne rien. Quel peuple avouerait qu’il tend à l’absolutisme comme au port, et consentirait à y voir autre chose qu’une relâche pour le vaisseau battu par la tempête ? On est donc amené à voir si l’on peut s’entendre avec ceux qui pensent que l’exemple de l’Angleterre est à suivre, que les formes générales qu’elle a su donner à sa monarchie, issue, comme toutes les autres, de la conquête et de la féodalité, sont les seules qui puissent approprier cette nature de gouvernement aux impérieux besoins de la civilisation moderne. Quoique cette idée ait été pendant longues années à l’état d’opinion reçue, reçue au point que ceux qui l’aimaient le moins se croyaient obligés de l’affecter, elle n’en rencontre pas moins à chaque pas une objection spécieuse et puissante. Une nation ne peut pas plus changer avec une autre d’institutions que de climat, et les institutions de l’Angleterre y sont