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La révolution de 1820, comme manifestation constitutionnelle, avait cependant laissé des souvenirs et des représentans que l’exil avait dispersés d’abord, que les premières amnisties de Ferdinand II ramenaient peu à peu dans le royaume en abrégeant la durée de leur peine, et qui se retrouvaient en présence d’un absolutisme intact plus puissant que jamais. Au premier rang de ce groupe étaient M. Francesco Paolo Bozzelli, qui passait pour un habile théoricien politique, le marquis Dragonetti, qui avait été député au parlement en 1820, le baron Giuseppe Poerio, avocat célèbre, père de ce Charles Poerio, dont le nom a retenti dans ces dernières années, et d’Alexandre Poerio, qui allait mourir en défendant Venise en 1848. Ce parti constitutionnel renaissant avait des ramifications dans l’aristocratie mécontente, dans la bourgeoisie, dans les classes libérales, surtout parmi les avocats, chez qui la publicité des débats judiciaires, — seule garantie restée debout, — entretenait le goût de la discussion et des mœurs parlementaires. Sans renouer les liens du carbonarisme, ce parti formait des comités. Il n’allait pas dans ses idées au-delà d’un régime purement constitutionnel, et avant tout il était Napolitain dans sa politique.

À côté surgissait dès lors un parti plus ardent, plus impétueux, aux idées vagues et indéfinies, ramification lointaine et à demi indépendante de la Jeune-Italie, ce carbonarisme d’un temps nouveau. La Jeune-Italie, avec ses aspirations de république universelle et de reconstitution italienne, devait rencontrer des obstacles à Naples, où les idées républicaines n’existent pas sérieusement, et où le sentiment de l’autonomie locale est si vif. Elle avait pénétré pourtant et s’était propagée par l’activité d’un Calabrais, Benedetto Musolino ; elle avait recruté des partisans, bien que toujours peu nombreux. Le rêve de cette fraction plus radicale du libéralisme, qui comptait surtout des jeunes gens, eût été d’élever, d’élargir en quelque sorte l’instinct napolitain, de lier les mouvemens révolutionnaires du royaume aux révolutions de l’Italie centrale. Entre ces partis napolitains, il y avait des nuances et même des divergences profondes ; mais ils s’unissaient dans un sentiment commun d’opposition, entretenant une agitation dont les foyers principaux étaient les Calabres et les Abruzzes, et qui s’organisait sous la même forme, celle des sociétés secrètes. Un de ces conspirateurs de Naples le disait : « Nous sommes un gouvernement très beau et tout fait ; nous avons ici un ministère et nos préfets dans les provinces. Nous recevons régulièrement des rapports sur l’état du pays. Tout est disposé de telle manière que si l’un des chefs est en prison, un autre prend sa place aussitôt, et les choses marchent comme avant. » Ces chefs, ces préfets, c’est ce que M. Montanelli, dans ses mémoires