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Lorsque le roi Ferdinand II s’efforçait de réveiller l’esprit militaire dans son armée rajeunie et recomposée, il ne songeait nullement, comme l’espéraient peut-être quelques esprits prompts aux conjectures chimériques, à reprendre le rôle de Murat en 1815, et à se mettre avec ses soldats à la tête d’un mouvement national italien. Il obéissait à un mobile plus personnel, à un sentiment de fierté de race : il avait été plus d’une fois blessé secrètement de voir les deux derniers rois dépendre presque exclusivement de la protection autrichienne, et en arrivant au commandement d’un état de neuf millions d’hommes, il voulait garder l’attitude d’un roi, vivre par lui-même, avoir sa force propre. « Que fais-tu de tes soldats, ô roi… ? » disait un jour, en parlant de lui, le poète Giusti dans une poésie sarcastique à l’adresse de tous les princes italiens. Ce que le roi de Naples faisait de ses soldats ? Il fondait sur eux son pouvoir, il se créait dans son armée un instrument de règne et de sécurité. Il en était de même des réformes intérieures dont Ferdinand II prenait l’initiative, et qui ressemblaient à une censure de ce qu’on avait fait avant lui. Le nouveau roi n’était point entraîné par une préméditation libérale, il cédait plutôt à un instinct de jeunesse, à un mouvement de répulsion, qui tenait à son caractère, contre les dilapidations et les mœurs dissolues des derniers règnes, à un certain goût d’ordre financier qui allait jusqu’à l’avarice. Le jour où il se sentit trop près de ce libéralisme vers lequel les Napolitains espéraient le voir marcher, et que l’Europe absolutiste lui montrait comme un écueil, il recula, et un épisode aussi caractéristique qu’inattendu fut la révélation de cette halte et de cette évolution rétrograde.

Il y avait dans le conseil un homme de capacité, d’une ambition ardente et d’un esprit politique aussi souple que hardi : c’était le ministre de la police Intonti. Trompé peut-être par les circonstances, par l’état général de l’Europe et par la situation même du royaume des Deux-Siciles, imaginant que le roi n’avait besoin que d’être un peu pressé pour aller au-delà de ses premiers actes, et croyant à l’inévitable avènement d’un régime complètement libéral, M. Intonti n’eut plus qu’une pensée, celle de travailler à préparer ce régime, vers lequel l’attirait aussi sans doute l’espoir d’un grand rôle, et il se mit à l’œuvre d’une façon toute napolitaine. Il conspira réellement, pour tout dire ; il se rapprocha de cette partie de l’aristocratie de Naples demeurée fidèle aux idées constitutionnelles, favorisant secrètement les manifestations libérales, tenant dans les mains tous les fils de ce singulier complot, et en même temps, comme ministre de la police, il signalait au roi le mouvement croissant des esprits demandant des concessions nouvelles. De cette