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effaçait la dernière trace des traditions de Murat dans l’armée napolitaine ; il consommait la rupture entre l’esprit militaire et le parti constitutionnel, ces deux forces dont l’alliance avait fait la révolution de 1820, et il posait la plus ferme base de son règne. Là effectivement est la raison première de l’état moral de l’armée napolitaine et de la fidélité exceptionnelle qu’elle a montrée pendant ce règne de trente ans.

Et ce n’était pas seulement par cette reconstitution de l’armée que le nouveau roi marquait son avènement. S’il ne faisait mieux, s’il n’allait jusqu’à des réformes de l’ordre politique, il traçait du moins de son règne de séduisans programmes. Il acceptait ostensiblement la mission « de cicatriser les plaies qui affligeaient le royaume, » d’assurer une justice impartiale, de soulager le peuple accablé d’exactions, d’épurer l’administration des finances. Ces promesses, qui répondaient à un profond sentiment de répulsion contre les désordres ruineux des derniers règnes et qui exprimaient une pensée réparatrice, n’étaient pas absolument dénuées de sincérité, et elles trouvaient un commencement de réalisation dans une série de mesures destinées à frapper, sinon à désintéresser toujours complètement l’esprit public. Quelques-uns des familiers les plus compromis de la cour tombèrent en disgrâce. Le valet de chambre Viglia emportait dans sa retraite l’immense fortune qu’il avait acquise en vendant les emplois. Le ministre des finances Caropreso abandonnait un portefeuille qu’il avait acheté. Le prince de Scaletta, ministre de la guerre, accusé de concussion et menacé d’être mis en jugement, était exilé dans une ambassade, tandis que d’un autre côté des amnisties timides et partielles, il est vrai, adoucissaient les peines qui pesaient sur les condamnés politiques.

Quelques actes révélaient une intention plus directe de popularité. Les audiences publiques du palais avaient été à peu près supprimées sous les derniers règnes, ou, pour mieux dire, on en faisait commerce comme de tout ; on vendait le droit de voir le roi. Ferdinand II rétablit les audiences publiques et fit revivre ces entrevues familières de la royauté et du peuple, où le plus humble sujet avait libre accès auprès du prince ; mais c’est surtout dans les finances que le nouveau roi semblait donner des gages d’une pensée réparatrice. Une partie des pensions prodiguées par les deux rois précédens fut supprimée. Une réduction proportionnelle fut décrétée sur les appointemens de tous les employés publics, depuis le plus obscur fonctionnaire jusqu’au ministre. Le roi renonçait pour lui-même, non sans une certaine ostentation, à une somme de près de 400,000 ducats prélevée par ses prédécesseurs sur le trésor pour leur cassette privée. Il y eut donc une sorte d’épuration et comme une efflorescence d’économie