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du royaume des Deux-Siciles, c’est justement en effet cette partie domestique de son existence, c’est ce travail intérieur qui se lie intimement par tant de côtés au travail d’affranchissement national, qui en est indépendant sous certains rapports, et qui apparaît à Naples avec des caractères d’une saisissante originalité. C’est de la révolution française principalement, disais-je, que procède tout ce qui vit, tout ce qui s’agite à Naples, le bien et le mal, les partis, les institutions, les systèmes, les opinions. La révolution n’a point laissé une forme de gouvernement, ni même cette dynastie feudataire jetée au midi de l’Italie par un reflux de l’empire ; elle a mieux fait, elle a survécu dans les lois civiles débarrassées de la féodalité, dans le régime judiciaire simplifié et rajeuni, dans le système administratif, où elle mettait la régularité à défaut de la liberté. En un mot, Naples sortait des crises de la révolution et de l’empire avec un organisme civil qui était une œuvre de véritable progrès, dont le principe échappait aux réactions de 1815, et qui est resté avec la marque indélébile d’une tradition française. Qu’a-t-il donc manqué à ces lois pour devenir une bienfaisante réalité ? L’appui d’une société moins déchirée, la garantie des mœurs, une pratique sincère, en un mot une identification vraie et profonde avec l’état social et moral du pays. Malheureusement de cette source orageuse de la révolution sont sorties en même temps deux choses qui résument l’histoire contemporaine de Naples, qui en sont la dangereuse essence bien plus que des lois impuissantes : l’esprit de conspiration et l’esprit de réaction. Naples a été, à vrai dire, le berceau ou le foyer le plus actif des sectes révolutionnaires et des sociétés secrètes.

C’est dans le midi de l’Italie, à Capoue, que naissait vers 1811 une association fameuse, qui allait étendre sa forte et savante hiérarchie sur une partie de l’Europe, et dont le nom seul a été pendant longtemps un symbole de révolution : le carbonarisme. D’où venait ce nom de carbonarisme ? Par quelle idée bizarre les fondateurs allaient-ils chercher un modèle ou une ébauche d’organisation chez les charbonniers ? On ne le sait. Toujours est-il que l’institution était à peine née qu’elle embrassait le royaume tout entier et gagnait bientôt d’autres parties de l’Italie. La raison de son succès fut peut-être le mystère, cette sorte de merveilleux si puissant sur des imaginations méridionales, qui ne sont point accoutumées aux luttes régulières des opinions, et, chose plus remarquable, le carbonarisme trouva aussi des auxiliaires à l’origine dans les princes eux-mêmes. Lorsque le vieux roi Ferdinand de Bourbon était relégué en Sicile pendant l’empire avec la reine Caroline d’Autriche, cette dangereuse et violente conseillère de la royauté napolitaine,