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Ce beau royaume du midi de l’Italie, avec sa force propre et sa population de neuf millions d’hommes, n’a pas, comme le Piémont, le vigoureux stimulant d’un désir d’agrandissement qui se confond avec l’idée d’émancipation nationale. Comme le nord de l’Italie, il n’a pas porté le poids direct et oppressif d’un maître étranger. Il n’a pas été entretenu par son histoire dans cette antipathie traditionnelle contre la domination impériale, qu’il n’a connue qu’un instant au dernier siècle, contre l’Allemand, qu’il n’aperçoit au fond de son passé que dans l’image mélancolique et touchante du jeune Conradin, le dernier prince de Souabe, l’adolescente victime de Charles d’Anjou. Un des traits caractéristiques du royaume des Deux-Siciles, c’est d’être sorti de toutes ses crises avec son autonomie, avec une dynastie propre, — dynastie étrangère d’abord, il est vrai, mais qui s’acclimatait promptement et qui restait la garantie même de l’indépendance napolitaine, de cette indépendance sur laquelle l’influence autrichienne a pu s’étendre de nos jours et peser lourdement sans l’absorber. La haine de l’Autriche, cette forme négative de l’idée de nationalité italienne, est donc à Naples un fait tout récent qui date principalement des commotions de la première partie de ce siècle, de 1815, des tentatives extrêmes de Murat, ce roi de tête faible et légère et de cœur vaillant, de la révolution de 1820, de l’occupation autrichienne qui suivit, et cette haine elle-même est balancée par ce sentiment plus local, plus municipal, que Naples nourrit à l’égard du nord de l’Italie, et que la Sicile, par un curieux enchaînement d’antagonismes, nourrit encore plus à l’égard de Naples. Ce sentiment existe au fond, et les gouvernemens l’ont poussé à outrance ; ils en ont profité pour opposer l’esprit napolitain à l’esprit italien, et pour se retrancher dans un inaccessible isolement, à l’abri d’une politique d’immobilité et d’exclusion. À un certain point de vue, on l’a dit quelquefois, l’Italie peut se comparer à une autre Allemagne, dont le Piémont sera la Prusse et dont Naples à son tour sera l’Autriche, une Autriche qui a ses rivalités avec la Prusse italienne, et qui, par une analogie de plus, a même sa Hongrie en Sicile, suivant un ingénieux et piquant rapprochement. C’est là le secret de l’histoire du royaume des Deux-Siciles dans son rapport avec le développement de l’idée nationale ; c’est la clé de sa politique, de la facilité qu’ont eue tous les pouvoirs à réprimer les instincts de patriotisme italien, de l’insuccès de toutes les tentatives faites pour intéresser ces populations aux luttes d’indépendance, du rôle de Naples en 1848 et même aujourd’hui, comme aussi jusqu’à un certain degré de tout le mouvement intérieur de ce midi de la péninsule.

Une autre face de l’histoire contemporaine, de la situation générale