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dressés sur les sommets voisins, et du côté de la mer par une batterie couronnant le morne qui sépare les deux baies. Quelques larges sentiers rendaient faciles les communications du camp avec ces divers lieux de défense et avec la plage. Enfin nos compatriotes jouissaient non-seulement d’une grande sécurité, mais encore d’un certain comfortable. La création de petits jardinets et l’arrivée d’un navire expédié de Valparaiso par l’amiral, vers le mois de janvier 1843, avec des vivres et du bétail, avaient mis une abondance relative au sein de la petite colonie. Des mesures de police prévinrent l’introduction dans l’île des armes, de la poudre et des balles par les baleiniers; on s’occupa aussi de rechercher les déserteurs anglais et américains, fort communs dans l’archipel, où ils excitent les habitans à la guerre. Les chefs, désormais empressés à nous être agréables, les livraient à notre première réquisition. L’île de Hivaoa elle-même reconnaissait si bien l’autorité française quelques mois après les hostilités, que, sur l’ordre donné par un officier absolument seul, cinq déserteurs anglais s’étaient résignés à se rendre à bord du navire stationnaire, comprenant bien qu’en cas de résistance, les canaques les y auraient conduits de force. Tous les hommes dont on s’empara de la sorte furent remis aux bâtimens de leur nation par les soins du commandant Laferrière. Au mois d’août 1843, la garnison avait été en partie renouvelée. Des matériaux d’exploitation et de nouveaux bestiaux arrivèrent encore dans l’île; on essaya quelques travaux agricoles, et l’établissement se trouva bientôt dans un état aussi prospère que pouvait le permettre l’ignorance complète où l’on était de sa destination.

A Nukahiva, rien n’avait troublé la sérénité de la situation. Appuyée par le navire stationnaire et occupant un point inexpugnable pour les indigènes, la garnison se sentait capable de braver les plus audacieuses tentatives. Aussi s’était-elle bornée à continuer péniblement, à cause de l’exiguïté des ressources, les travaux d’installation nécessaires à son bien-être; puis, confiante et tranquille dans sa force, les bras croisés et les yeux tournés à l’horizon, elle avait attendu que la patrie lui demandât autre chose que de vivre en sécurité sur le sol polynésien. En définitive, on pouvait prévoir qu’une ère de concorde allait commencer dans tout l’archipel des Marquises, et c’est à décrire cette nouvelle situation dans ses aspects les plus récens comme dans les courtes luttes qui la précédèrent que sera consacrée une dernière étude.


MAX RADIGUET.