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sassent de se soumettre à une injonction formelle, qu’en conséquence il lui donnait huit jours pour faire l’entrer les choses dans l’ordre primitif, lui déclarant que, passé ce délai, on considérerait sa persistance dans une conduite préjudiciable à nos intérêts comme une rupture complète du pacte d’amitié qui nous avait unis. Au bout d’une semaine et plus, aucun canaque n’avait encore reparu dans la vallée. On convoqua alors en assemblée générale les chefs de Tahuata, excepté Iotété. Tous s’y rendirent, et avec une impassibilité apparente écoutèrent l’arrêt de déchéance du roi sur l’île et sur sa propre vallée. Injonction leur ayant été faite alors, séance tenante, d’avoir à élire un nouveau chef suprême qui les représentât vis-à-vis des Français, ils désignèrent d’un commun accord Maheono, et s’en furent porter à loteté la décision qui le dépossédait. Celui-ci reçut la nouvelle sans émotion : il se borna à répondre que, depuis longtemps déjà, il avait cessé d’être roi, et ne parut pas s’en préoccuper davantage.

On put bientôt voir que, malgré l’apparente soumission des chefs aux volontés du gouverneur, le prestige du vieux monarque était resté pour eux aussi vivace. En effet, nos relations avec les naturels ne furent en rien modifiées : ils opposèrent la force d’inertie aux tentatives destinées à les ramener à nous. Pour se créer un allié qui servît de trait d’union entre le camp français et les diverses tribus de canaques, M. Halley fit négocier le rappel d’un chef frère de Iotété, chassé de Vaïtahu à la suite d’une guerre sanglante. Ce chef vivait à Hivaoa avec les débris de sa tribu, et pouvait mettre sous les armes quarante guerriers. Il n’était donc pas douteux qu’installé sous notre protection dans une des meilleures vallées de l’île, son influence ne prît un rapide accroissement. La chaloupe du Bucéphale, expédiée à la baie de Toa (Hivaoa), en revint avec le proscrit, et il fut convenu que le navire lui-même se rendrait ultérieurement à la même baie pour y prendre d’un seul voyage tous les émigrans de bonne volonté.

Cependant des bruits vagues commençaient à se répandre. Des préparatifs de guerre se poursuivaient clandestinement, assurait-on. Le nombre des hommes en état de porter les armes, qui chaque jour diminuait dans les différentes vallées, justifiait ces bruits, et rendait probable la formation de rassemblemens vers les parties hautes de l’île. Une expédition fut résolue. Trois colonnes furent immédiatement organisées. La première devait former l’aile gauche, sous le commandement dd M. de Ladebat, lieutenant de vaisseau, et remonter les mornes du versant de droite[1] de la vallée, c’est-à-dire suivre le sentier que nous avions parcouru quelques mois au-

  1. Il est entendu que c’est le versant de droite en descendant la vallée vers la mer.