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lus et l’industrie britannique sous le coup d’une guerre de tarifs. Sentant fort bien que des prétentions inflexibles et des hostilités déguisées mèneraient inévitablement à une rupture ouverte, Washington s’était sagement refusé à se faire le champion d’aucune doctrine particulière en matière de droit maritime; il n’avait accepté et invoqué d’autre règle que les traités, il ne s’était proposé d’autre but que de faire abandonner ou adoucir les pratiques les plus préjudiciables aux intérêts américains; il n’avait recommandé au congrès d’autres mesures comminatoires que des armemens. Et lorsque la chambre des représentans avait failli rendre la guerre inévitable par le vote de propositions acerbes contre l’Angleterre, il avait brusquement arrêté la législature nationale sur cette mauvaise pente, en annonçant au sénat qu’il nommait M. Jay envoyé extraordinaire auprès de la cour de Londres, pour tenter, sur les différends des deux peuples, la voie pacifique des négociations.

Le traité d’amitié, de commerce et de navigation conclu à Londres en 1794 par M. Jay fut le fruit de cette politique. Ce traité ne mettait assurément pas fin à toutes les causes de conflit entre les deux nations; il ne tranchait assurément pas toutes les questions en faveur de l’Amérique, mais il rétablissait le bon vouloir entre les deux gouvernemens, et il leur permettait de régler dans un esprit de bienveillance et de respect mutuel les difficultés qu’il laissait subsister. Il ne garantissait pas formellement les matelots américains contre le danger d’être soumis par erreur à la presse; mais il inspirait au cabinet de Saint-James le désir sincère de réparer et d’éviter à l’avenir de telles erreurs. Il n’obligeait pas explicitement l’Angleterre à répudier la règle de 1756, par laquelle elle interdisait aux neutres tout commerce avec les possessions coloniales de ses ennemis; mais il lui imposait l’obligation de donner plein dédommagement aux citoyens américains dont les navires avaient été saisis et condamnés en vertu de cette règle. Il ne lui interdisait pas de regarder et de saisir les provisions de bouche comme contrebande de guerre; mais il l’astreignait à indemniser les propriétaires de la cargaison. Malgré les lacunes que présentait le traité, malgré les fureurs populaires qu’il soulevait, Washington crut devoir le ratifier. Les faits lui donnèrent raison. Cet acte courageux assura au pays douze années de paix et de prospérité commerciale, et valut aux négocians lésés par les spoliations anglaises plus de 50 millions de francs. En vain pourrait-on objecter qu’il provoqua le directoire à mettre de plus en plus la marine américaine au pillage. La fermeté du gouvernement des États-Unis, ses armemens menaçans agirent sur la France comme ils avaient agi sur l’Angleterre. Le 13 septembre 1800, sous l’administration du premier consul, un