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pendant à la fin de la guerre le roi de Sicile, c’est le titre qu’il prit alors, dut voir avec regret l’Autriche établie dans le Milanais, dans le royaume de Naples, dans la Sardaigne et dans les ports de Toscane. Il avait, il est vrai, la Sicile; mais la Sicile, province éloignée du Piémont et qu’il fallait garder avec une marine que le nouveau roi n’avait pas, la Sicile ne lui donnait pas autant de puissance que le Milanais, devenu autrichien, lui créait de danger. La politique du duc de Savoie pendant la guerre de la succession d’Espagne fut plus savoisienne qu’italienne. Le temps n’était pas encore venu pour la Savoie d’avoir une politique italienne. D’autres princes italiens plus faibles que le duc de Savoie s’opposèrent plus hardiment que lui à l’avènement de la prépondérance de l’Autriche en Italie : le pape par exemple, qui en 1708 déclara la guerre à l’Autriche et réunit une armée dont le commandement fut confié au comte de Marsigli[1]. L’empereur Joseph Ier envoya contre le pape le prince héréditaire de Hesse-Cassel à la tête d’un corps de soldats protestans, qui prit Bologne et força Clément XI à faire la paix et à reconnaître l’archiduc Charles pour roi d’Espagne. Un autre prince italien, le duc de Mantoue, s’étant fait l’adversaire de l’Autriche en 1701, son duché fut confisqué par l’empereur en 1708, et le duc de Mantoue étant mort la même année, ses héritiers, les ducs de Guastalla, issus de la même maison, furent obligés de se contenter des terres de Sabionnette et de Bozzolo; Mantoue resta entre les mains de l’Autriche. Au traité d’Utrecht, en 1713, Louis XIV réclama l’indépendance du duché de Mantoue et du duché de la Mirandole, confisqué aussi par l’Autriche pendant la guerre; mais au traité de Bade, en 1714, il abandonna, je ne sais pourquoi, la cause de ces deux princes italiens.

La maison d’Autriche, qui pendant la guerre de la succession pensa un instant qu’elle aurait à la fois l’empire en Allemagne et toute la monarchie espagnole, crut qu’au traité d’Utrecht et de Bade elle perdait beaucoup. Elle perdit sur son ambition; mais elle acquit une prépondérance décisive en Italie par la réunion entre ses mains du royaume de Naples, du Milanais, de la Sardaigne et des ports de Toscane.

  1. Le comte de Marsigli était de Bologne; il avait servi en Autriche. C’était un savant autant qu’un militaire. Nous avons de lui un ouvrage très curieux intitulé : Danubius Pannonico-mysicus, observationibus geographicis, astronomicis, hydrographicis, historicis, physicis perlustratus. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt tout ce qui dans cet ouvrage concerne l’histoire du Danube. Le comte de Marsigli a fait de plus un ouvrage intitulé Etat militaire de l’empire ottoman, ses Progrès et sa Décadence. Ce livre est terminé par une invitation aux princes chrétiens de se réunir contre un ennemi qui n’a d’imposant que son ancienne révolution, mais qui ne résisterait pas aux armées disciplinées de l’Europe. Marsigli est un des ancêtres de la question d’Orient.