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gereuse ni illégitime; les passions de la guerre en avaient effacé le principe.


I.

J’ai parlé de la guerre de la succession d’Espagne, parce que cette guerre a créé la prépondérance de l’Autriche en Italie. Pendant tout le XVIIe siècle et depuis le traité de Cateau-Cambrésis en 1559, l’Italie avait appartenu à l’Espagne. L’Espagne avait la Sicile, Naples, les ports de la Toscane, le Milanais. Le traité d’Utrecht en 1713, après la guerre de la succession, donna à l’Autriche en Italie tout ce qu’avait l’Espagne, c’est-à-dire le royaume de Naples et le Milanais. On peut sous ce rapport comparer le traité d’Utrecht de 1713 avec le traité de Vienne de 1814. Le traité de Vienne a fondé la prépondérance de l’Autriche en Italie en lui donnant toute l’Italie septentrionale, et par là un immense avantage, la contiguïté avec ses états d’Allemagne. Je ne veux pas abuser des rapprochemens historiques; cependant, de même que le XVIIIe siècle s’est employé depuis 1713 jusqu’en 1748, c’est-à-dire jusqu’au traité d’Aix-la-Chapelle, à réprimer et à diminuer cette prépondérance de l’Autriche en Italie, et à réparer la faute qu’avait faite le traité d’Utrecht, il est possible que le XIXe siècle s’emploie chaque jour davantage à réprimer aussi et à diminuer la prépondérance de l’Autriche en Italie, et à réparer la faute qu’a faite le traité de Vienne. Il y a seulement et il y aura cette différence entre le travail de notre siècle en Italie et celui du XVIIIe siècle, qu’au XVIIIe siècle, il ne s’agissait que de rendre à l’Espagne ou à ses princes quelques-unes des possessions que l’Espagne y avait autrefois, d’opposer par conséquent dans la péninsule la maison de Bourbon à la maison d’Autriche, tandis que de nos jours la lutte en Italie est celle de l’Italie elle-même contre les étrangers. Un principe nouveau s’est manifesté et se trouve en jeu dans la guerre actuelle, celui de la nationalité italienne. C’est aux Italiens qu’il s’agit de confier la défense de l’indépendance italienne au lieu de soutenir cette indépendance par l’opposition militaire et politique de l’Espagne et de l’Autriche, comme au XVIIIe siècle. Notons cependant que, depuis le traité de Naples et de Madrid de 1759<ref> Je désigne le traité de 1759 sous le nom de traité de Naples et de Madrid, parce que dans le troisième volume de l’Histoire générale des Traités de paix de M. Le comte de Garden, page 375, il est appelé : traité de Madrid du 3 octobre 1759, et, page 589, traité de Naples, également du 3 octobre 1759. </<ref>, les princes espagnols de la maison de Bourbon sont devenus tout à fait italiens, parce que la séparation perpétuelle de l’Espagne et de l’Italie est devenue la règle et la condition de l’établissement des Bourbons d’Espagne en Italie. Si cette règle avait été établie pour la maison d’Autriche, la question