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jusqu’à son confluent avec le Mississipi, cependant elle ne saurait être comparée pour le volume de ses eaux avec nos fleuves de premier ordre, et pendant une très grande partie de l’année, la navigation est interrompue même à son embouchure. La pluie qui tombe dans les prairies poudreuses de l’ouest ne suffit pas pour alimenter une grande rivière, et une notable partie de l’eau que reçoit l’Arkansas s’évapore en route, ou bien est absorbée par les racines des arbres. D’après M. Ellet et l’académie des sciences de la Nouvelle-Orléans, il tombe dans la Basse-Louisiane 133 centimètres de pluie par an, dans le bassin de l’Ohio 92 centimètres, et dans les déserts de l’ouest seulement 2 centimètres. Aussi les rivières qui recueillent l’humidité de ce triste pays sont-elles d’une excessive pauvreté. Bien que la Canadienne, principal affluent de l’Arkansas, ait 2,700 kilomètres de longueur, il est impossible cependant de la remonter jusqu’à 80 kilomètres de son embouchure dans une simple pirogue d’Indien. Le voyageur Boone l’a trouvée complètement à sec à 1,200 kilomètres de sa source, c’est-à-dire à une distance aussi grande que celle de la source du Danube à Pesth-Bude. L’explorateur américain Gregg nous raconte que dans l’un de ses voyages, il erra plusieurs jours avec sa caravane à la recherche de la rivière Cimarron (Fugitive), ainsi nommée parce qu’elle disparaît souvent et qu’on cherche en vain ses traces; à la fin, il reconnut à son grand désespoir qu’il l’avait passée depuis longtemps, et que les sables l’avaient empêché d’en distinguer le lit. Dans le Nouveau-Mexique, territoire grand comme la France, il n’y a pas de rivière navigable; le célèbre Rio-Grande lui-même roule à peine assez d’eau pour faire flotter une pirogue. De l’autre côté des Rocheuses, dans la région qu’on pourrait appeler la Californie-Pétrée, pour la distinguer de la Californie-Heureuse, l’eau est très rare aussi; on dit que le Colorado roule en proportion soixante-dix fois moins d’eau que le Mississipi. C’est donc avec raison que le gouvernement des États-Unis s’occupe d’acclimater le chameau dans ces plaines arides.

Le manque de rivières navigables a maintenu jusqu’ici l’état de l’Arkansas dans une infériorité relative. Bientôt les chemins de fer vont suppléer en partie à l’absence de communications fluviales; mais, quoi qu’on fasse, le pays restera toujours l’un des moins beaux et des moins importans de l’Amérique du Nord. Les terres y sont en général peu fertiles, excepté dans les vallons boisés qui bordent les rivières, et en beaucoup d’endroits on remarque sur le sol une efflorescence saline. Le climat y est encore plus extrême que dans les autres parties des États-Unis, et l’on a pu dans une de ses villes, Fort-Gibson, observer à l’ombre la température plus que saharienne de 47 degrés centigrades. Plus tard, les mines et les eaux thermales de ce pays deviendront une source de richesses; aujourd’hui on ne