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rieux mécontentemens chez les différens peuples de la monarchie des Habsbourg. Aujourd’hui encore, nous lisons dans un journal dévoué aux intérêts autrichiens des détails très significatifs sur cette irritation des provinces. Le Journal national de Berlin, dans un article reproduit par la Gazette d’Augsbourg, nous apprend que l’agitation est extrême en Hongrie. « La colère contre les Allemands, — c’est un Allemand de Hongrie qui adresse ces renseignemens au Journal national, — la colère des Hongrois contre les Allemands est arrivée au dernier degré. Une expression de défi et de triomphe est manifeste sur tous les visages, et la fureur publique n’attend qu’un signal pour éclater. Il y a bien eu quelques corps francs qui se sont constitués en Hongrie à l’appel de l’empereur, mais à peu d’exceptions près ils sont composés d’Allemands qui ont saisi avec avidité cette occasion d’échapper à un entourage menaçant. Quiconque est en mesure de le faire s’empresse de fuir cette atmosphère orageuse. C’est en vain que les commandans des garnisons ont demandé des renforts aux Hongrois : « Tirez-vous d’affaire comme vous pourrez, leur a-t-on répondu, nous ne pouvons nous passer de nos troupes. » La pensée que l’Autriche a pu être amenée au bord d’un tel abîme excite chez tous les habitans allemands de la Hongrie des sentimens de rage et de désespoir (Wuth und Verzweijlung). On maudit le système suivi pendant de longues années, ce système établi par Metternich et consolidé par le comte Grünne, lequel, par sa toute-puissante influence, a rendu la moindre informe impossible[1]. » Ce qui se passe en Hongrie n’est pas un symptôme isolé. En Bohême, eu Galicie, à Vienne même, le mécontentement se manifeste sous maintes formes. Un souverain qui eut compris son époque et les devoirs du rang suprême n’eût pas attendu les jours mauvais pour inaugurer la politique victorieuse dont nous parlions tout à l’heure. C’est à la liberté, en définitive, que restera le dernier mot dans notre XIXe siècle. Lorsque l’oncle de l’empereur François-Joseph abdiqua en 1848 et laissa le trône à un jeune prince libre d’engagemens avec le passé, il semblait lui indiquer ce plan de conduite. Mais si une pareille transformation est trop audacieuse pour un fils des Habsbourg, si des traditions séculaires l’enchaînaient, si l’esprit personnel du souverain ne lui permettait pas ces résolutions suprêmes par lesquelles les empires, à de certains momens, sont tenus de se régénérer, pourquoi la Prusse n’aurait-elle pas ces inspirations hardies dont elle trouverait plus d’un exemple dans son histoire? Les publicistes de l’Allemagne du nord répètent sans cesse : « Que cette lutte, si elle éclate, ne serve que des intérêts allemands. » Nous disons, nous : « Puissent désormais les guerres, si elles doivent encore désoler l’Europe, servir avant tout la liberté! »

Malgré les entraînemens auxquels la Prusse semble près d’obéir, il est impossible qu’il ne reste pas encore dans ce noble pays un grand nombre.

  1. Voyez la Gazette d’Augsbourg du 25 juin dernier.