Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/1022

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le temps peut amener. Quels peuvent être les incidens espérés par la presse autrichienne ? Ces incidens, les attendra-t-on, ou les ferait-on naître ? Nous n’en pouvons prévoir, quant à nous, que de deux natures : des tentatives anarchiques du parti mazzinien, ou une entreprise du duc de Modène, accompagné de la petite armée qu’il a ramenée ou qu’il organise derrière le Mincio. C’est aux populations des duchés et des légations de se préserver de l’intervention des partis extrêmes dans leurs affaires : elles y paraissent décidées. Non-seulement elles ont mérité jusqu’à ce jour l’estime de l’Europe par l’ordre et le calme qu’elles ont fait régner parmi elles dans la difficile période révolutionnaire qu’elles ont traversée, mais les hommes à la fois énergiques et modérés qu’elles ont placés à la tête de leurs gouvernemens provisoires ont, avec une remarquable fermeté et avec une prompte résolution, rompu les menées mazziniennes, et contraint à la retraite les agens du célèbre agitateur. Quant à M. Mazzini lui-même, si l’on en juge par le manifeste qu’il vient de publier en Angleterre, il ne parait point disposé en ce moment à tenter un coup de main en Italie. La tâche qu’il se donne, c’est d’irriter les susceptibilités et les préjugés du public anglais ; son dernier écrit a l’air, Dieu nous pardonne, d’être adressé aux diplomates de la Grande-Bretagne et du continent plutôt qu’à des sectaires. Il y parle de coup d’état européen ; il annonce une coalition des trois empereurs du continent ; il prophétise le prochain partage de l’empire ottoman entre la France, la Russie et l’Autriche ; sa sollicitude se porte encore plus sur les Turcs que sur les Italiens. Chose curieuse ! il lance contre la diplomatie européenne des reproches identiques à ceux que pouvaient adresser à leurs anciens alliés l’empereur de Russie pendant la guerre de Crimée, l’empereur d’Autriche au lendemain de Magenta ou de Solferino. Il parle de la neutralité anglaise, qui nous a permis pourtant de chasser en deux mois l’Autriche d’une partie du nord de l’Italie, de ce même ton de mépris qu’affectent les journaux de Vienne à propos de la neutralité de la Prusse. Nous redoutons peu en conséquence l’action présente de M. Mazzini dans la péninsule, et nous avons foi dans la modération vraiment patriotique et libérale des populations de l’Italie centrale. Nous sommes un peu moins rassurés à l’endroit du duc de Modène, bien que nous ne partagions pas toutes les appréhensions chagrines de quelques Italiens. Ceux-là croient que le duc de Modène essaiera de rentrer dans ses états. Garibaldi et son corps pourront sans doute être appelés à jouer un rôle contre cette tentative de restauration à main armée. Déjà un grand nombre de volontaires congédiés sont dans les duchés et les légations, et un fort détachement des soldats qui restaient à Garibaldi vient de partir avec armes et bagages, et se rend à Modène. — Nous aurons bientôt, disent les pessimistes, le récit d’une collision entre les troupes du duc et les soldats populaires. L’armée française restée en Italie interviendrait alors pour rétablir l’ordre à Modène. Peu à peu l’intervention s’étendrait sur Parme, les légations, peut-être la Toscane. Elle rétablirait l’ordre, et servirait, par la même occasion, à remettre sur le trône les princes déchus. Les petits souverains feraient ou promettraient quelques concessions ; on ne parlerait plus de confédération, et tout serait fini,… c’est-à-dire tout serait à recommencer. — Que des Autrichiens attendent du temps de pareils bénéfices, cela peut jusqu’à un certain point se comprendre ; mais de telles défiances