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n’avait à opposer aux corps autrichiens que deux divisions assez affaiblies par le combat de la veille, et qui pouvaient compter un effectif de seize mille combattans en tout.

La position de Palestro, si facile à défendre contre une attaque du côté de la Sesia, à cause de l’abaissement du terrain vers la rivière, n’est plus aussi formidable du côté opposé, où le village donne sur la plaine. D’autre part, les Sardes n’avaient eu ni l’intention ni le temps de s’y fortifier, de manière que lorsque les têtes de colonnes autrichiennes débouchèrent devant cette position, le village n’aurait pu présenter d’autre avantage pour la défense qu’un abri peu sûr dans l’intérieur des habitations. Mais il n’est pas dans les habitudes du roi de Sardaigne d’attendre l’ennemi derrière des palissades. Dès que la brigade Lillia eut débouché sur la route de Palestro, en-deçà du Cavetto di San-Pietro, tandis que la seconde brigade prenait position le long du petit canal, le 10e régiment sarde et les bersaglieri s’avancèrent contre l’ennemi et essayèrent une charge. En trop petit, nombre pour pouvoir tenir bien longtemps, ils furent ramenés entre la Roggia-Camara et le cimetière aux abords du village. Là une lutte acharnée s’engagea entre la brigade de la Reine et les Autrichiens. Les Piémontais, établis dans la partie méridionale de Palestro et couverts par la roggia, prenaient en flanc les colonnes d’attaque qui s’avançaient entre le village et le cimetière, où le roi payait de sa personne avec un brillant courage. Les Autrichiens, développant alors toutes leurs forces, s’étendirent sur leur droite, afin de tourner le cimetière et de déborder la gauche des Piémontais. C’était là le côté faible de la position, car en arrière du cimetière les maisons clair-semées sont difficiles à défendre, et ne sont plus couvertes par le canal. L’ennemi, une fois maître de cette partie du village, domine le talus qui donne sur la vallée de la Sesia, empêche l’arrivée des secours et coupe la retraite du village vers la Sesia. Ce fut par conséquent sur ce point que se portèrent les efforts des Autrichiens, qui combattirent en cette circonstance avec une incontestable bravoure. Ils furent d’abord reçus par un régiment de la brigade Savone, qui, ramené plusieurs fois dans ses attaques, tint cependant assez pour donner aux réserves le temps d’entrer en ligne. Ce fut là que le roi exposa sa personne aux plus grands dangers, prenant part, loin de son escorte, au combat à l’arme blanche.

Le général Zobel, qui commandait l’attaque en personne, crut alors le moment venu d’essayer un dernier effort. Le régiment archiduc Sigismond, le 7e bataillon des chasseurs et une batterie d’artillerie qu’il avait laissés en réserve sur le Cavetto di San-Pietro, reçurent l’ordre de franchir la passerelle de la Boggia-Camara, et d’avancer sur l’étroite langue de terrain comprise entre cette roggia et le Cavo-Camara-Scotti. En suivant cette bande de terrain, ce régiment devait aborder la partie méridionale du village sans avoir à franchir la roggia sur le front de Palestro, comme il arrive à ceux qui veulent y entrer par la grande route de Robbio. Le régiment, précédé du bataillon de chasseurs, entra sans défiance dans ce dangereux défilé. Comme le combat venait de se porter vers le nord, où les Autrichiens s’efforçaient de tourner la gauche des Sardes, l’on ne comptait avoir affaire à l’ennemi qu’aux environs de Palestro. Les chasseurs autrichiens entrèrent