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manque évidemment, c’est cet esprit, cette inspiration et ce sentiment tout personnel de la solidarité de la gloire nationale dont notre histoire et par-dessus tout notre grande révolution démocratique ont animé les masses populaires qui fournissent à la France ses merveilleux soldats. Un général qui aurait eu des troupes comme les nôtres eût pu nous faire payer cher notre marche de flanc sur Novare.

À la nouvelle de l’attaque de Palestro et du mouvement de l’armée franco-sarde vers Novare, le général Giulay avait à choisir entre trois partis. 1o Il pouvait se porter avec son centre et sa droite sur Palestro, écraser avec toutes ces forces réunies les divisions sardes, s’abattre ensuite sur le flanc de l’armée française qui défilait de Vercelli sur Novare, exécutant en ce moment une marche de flanc, — manœuvre toujours dangereuse lorsqu’elle s’opère à peu de distance de l’ennemi. C’était là le plan indiqué par la science ; mais il fallait pouvoir compter sur la retraite par Pavie, et être sûr de toute la rive gauche du Pô depuis Pavie jusqu’à l’embouchure de la Sesia. Il est certain que si l’armée autrichienne était assez nombreuse et assez solide pour exécuter cette manœuvre, l’armée alliée, attaquée sur le flanc, coupée dans sa base d’opération, aurait pu se trouver dans une position très critique. 2o Le général Giulay pouvait se retirer à la hâte par Vigevano à Binasco et Melegnano, au-delà du Tessin, choisir une forte position, couvrant en même temps Lodi et Pavie, et y attendre l’ennemi de pied ferme. 3o Enfin il pouvait opérer sa retraite en bon ordre derrière le Tessin, et tâcher d’arrêter un jour ou deux l’ennemi sur la Sesia par une attaque vigoureuse sur Palestro. Ce dernier plan fut préféré par le général autrichien. Il présentait, il est vrai, quelques avantages ; mais il avait l’inconvénient d’exiger le sacrifice d’un corps considérable, sacrifice inutile du moment où l’on pouvait effectuer la retraite par Vigevano, et aussi d’être pratiqué contre l’armée franco-sarde, laquelle a dans la supériorité de ses soldats un élément sur lequel ses généraux peuvent compter pour réparer quelques négligences stratégiques, et même transformer des fautes en victoires. L’on a vu en effet que l’attaque de Palestro n’a retardé en rien la marche de l’armée française, et n’a abouti qu’à une inutile boucherie, sans autre résultat que d’ajouter quelque chose au moral des troupes sardes et d’enlever quelque chose au moral des troupes autrichiennes.

Cependant l’on doit reconnaître que le point de Palestro avait assez d’importance pour justifier l’attaque autrichienne du 31 mai, et il faut ajouter que si le plan de l’ennemi n’eût été déconcerté par un accident imprévu, la journée eût pu être funeste aux alliés. Voici le récit qu’on nous en fait. — À la nouvelle de l’occupation de Palestro par les troupes sardes, le général Giulay donna l’ordre de reprendre ce village au général Zobel, commandant la droite de l’armée autrichienne et ayant son quartier-général à Robbio, à deux lieues de là. Les brigades Lillia et Jellachich, avec deux batteries d’artillerie et quelques escadrons de cavalerie, s’avancèrent en conséquence vers Palestro dans la matinée du 31. Le régiment archiduc Sigismond, le même qui avait donné la veille, suivait en réserve avec six pièces d’artillerie et le 7e bataillon de chasseurs. Tout cela formait un effectif d’environ vingt-cinq mille hommes. Le roi de Sardaigne, qui commandait en per-