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faisant d’énormes sacrifices. Les combats de Palestro ont donc eu une influence considérable sur le sort de la grande opération qui nous a conduits au cœur de la Lombardie ; ils mériteraient à ce point de vue seul d’être considérés avec attention. Un autre motif nous engage à nous y arrêter : c’est l’armée sarde qui a eu l’honneur d’ouvrir, par l’attaque de Palestro, les opérations offensives, et il y a plus que de la courtoisie envers des alliés, il y a un véritable intérêt politique à bien établir la portée du service que des troupes sardes, des troupes italiennes, ont rendu ainsi non-seulement à notre armée, mais à la cause de l’indépendance de l’Italie.

Il faut d’abord avoir une idée nette, au point de vue stratégique, de la position de Palestro. Cette position et les positions analogues de Robbio, Candia, Confienza et Casalino ont toujours été disputées entre les armées qui défendaient le Piémont et celles qui l’attaquaient du côté de la Lombardie. Le Pô, avant de recevoir les eaux de la Sesia, décrit une courbe très prononcée, à l’abri de laquelle les armées sardes peuvent avec avantage repousser l’ennemi. C’est vers Frassinetto, au point où finit cette courbe, que la Sesia se jette dans le Pô. La Sesia descend des Alpes et coule du nord au midi. Le Pô, qui, avant d’avoir reçu la Sesia, coule de l’ouest à l’est, tourne ensuite brusquement vers le sud, si bien qu’il semble suivre le cours de cette rivière plutôt que le sien propre. La ligne de la Sesia, prolongée ainsi vers le sud par le Pô depuis Frassinetto jusqu’à Valence, forme par conséquent une ligne parallèle au Tessin. C’est le front naturel d’une armée qui envahit le Piémont en venant de Lombardie ; seulement, le volume d’eau de la Sesia n’étant que rarement considérable, les armées ennemies se rencontrent au-dessus du Pô, tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre des deux rives. De là, dans l’histoire du Piémont, la renommée militaire qui appartient aux villages riverains. Palestro est un de ces villages sur la rive gauche de la Sesia. Dans cet endroit, la rivière coule au milieu d’une plaine qu’elle inonde quelquefois, et où elle creuse sans cesse de nouveaux bras qu’elle quitte et reprend tour à tour. Ce n’est qu’à quelques centaines de mètres plus loin que ce vaste lit de la rivière est bordé d’une ligne de collines sur laquelle se trouve le village de Palestro. Deux routes se croisent dans ce village, celle qui de Vercelli et Borgo-Vercelli va à Robbio et Mortara, et celle qui de Frassinetto et Candia va à Novare. C’est par conséquent un point stratégique important, surtout pour une armée qui occupe la Lomelline et qui est attaquée du côté du Piémont. Un canal de près de deux mètres de profondeur, appelé Roggia-Camara[1], passe au milieu du bourg dans la direction du nord au sud, en sort après en avoir contourné la partie méridionale du côté de la Lomelline, et se dirige ensuite vers le sud, à peu de distance de la grande route de Palestro à Robbio. Un second canal, appelé Caro-Scotti-Camara[2], coule devant le front, au pied du talus sur lequel s’élève Palestro, du côté de la Sesia, et comme il se dirige vers l’est après avoir dépassé le village, il va se croiser avec la Roggia-Camara, à un kilomètre plus bas. Ainsi d’abord un petit canal, un caro ; derrière le caro, un talus très raide ; après le talus, un canal plus large et plus profond, uneroggia, bordant le talus et traversant comme

  1. Roggia signifie un canal d’irrigation secondaire tiré d’un canal principal, naviglio.
  2. Cavo signifie un canal d’irrigation de troisième ordre, tiré d’une roggia.