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et les matières minérales. L’intervention de la vie végétative ou animée semble en effet nécessaire pour que ces principes prennent naissance. Aujourd’hui cependant on entrevoit davantage comment s’effectue le passage des uns aux autres. L’analyse des substances organiques a fait de grands progrès. On commence à saisir les lois sur lesquelles repose la formation de ces matières, qui n’offraient d’abord aux chimistes qu’un perpétuel assemblage d’oxygène, d’hydrogène, de carbone et d’azote. On est parvenu à préparer des acides organiques en décomposant des élémens organiques plus complexes, et la synthèse a permis de remonter ainsi ce qu’on pourrait appeler l’échelle de formation des élémens organiques. C’est surtout grâce aux beaux travaux de M. Marcellin Berthelot que ce résultat a été obtenu. Qu’on parvienne à produire de toutes pièces, sans l’intervention de matières végétales, les substances organiques les plus simples, et on aura montré la possibilité d’arriver un jour à refaire par des moyens chimiques les substances qui s’élaborent dans les végétaux et les animaux. Or c’est à quoi a réussi M. Berthelot lui-même. On l’a vu d’abord fabriquer de l’alcool avec du gaz oléfiant (hydrogène bicarboné) ; mais le gaz oléfîant prend toujours naissance dans la décomposition par la chaleur des matières organiques peu oxygénées. Aussi le savant expérimentateur ne s’est-il pas contenté de ce premier résultat ; il a essayé de refaire du gaz oléfîant, et il y a réussi comme pour les autres carbures d’hydrogène qu’on croyait jusque-là formés par la destruction de combinaisons organiques préexistantes. Dans son laboratoire, il a fabriqué, par des moyens ingénieux et délicats, le plus simple des carbures d’hydrogène, en prenant soin de ne faire usage que de matières purement minérales ou de principes organiques déjà obtenus avec ces mêmes matières ; il a exclu même le charbon. Ayant démontré la formation de ces carbures d’hydrogène simples, il est parvenu à produire des composés oxygénés, qui sont devenus à leur tour entre ses mains le point de départ de carbures d’hydrogène plus compliqués que ceux qui leur avaient donné naissance ; puis, avec ces nouveaux carbures, M. Berthelot a formé des combinaisons oxygénées correspondantes, et il s’est élevé, par une série graduelle et régulière de transformations, à des composés de plus en plus compliqués. Cette synthèse des carbures d’hydrogène et des alcools est la porte ouverte à celle de tous les autres composés organiques. Une telle méthode permet d’aller au-delà, car à mesure que l’on s’élève à des composés plus compliqués, les réactions deviennent plus faciles et plus variées, et les ressources du chimiste augmentent à chaque pas nouveau. Pour arriver à cette magnifique recomposition des matières organiques, M. Berthelot a fait le plus heureux emploi d’un état particulier des corps appelé état naissant,