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des bourgeons qui, en se développant, deviennent autant de polypes fixés sur un tronc commun ; mais quelques-uns de ces bourgeons prennent une forme qui leur est propre et reproduisent bientôt tous les caractères de la méduse primitive : ils s’isolent, acquièrent des organes génitaux, et, se détachant finalement du corps multiple qui les a vus naître, se rendent au loin pour fonder des colonies nouvelles. Quant à l’animal analogue à l’hydre d’eau douce dans lequel se transforme aussi la larve, il se partage spontanément en anneaux transversaux ; chacun de ceux-ci acquiert successivement les organes d’une méduse adulte, puis se sépare du tronc commun et jouit d’une vie indépendante. Parmi les vers intestinaux, les exemples de ces successions d’êtres de formes différentes s’engendrant les uns les autres ne sont pas rares, et ont été observés avec plus d’attention depuis peu. Les cestoïdes nous offrent dans leur développement des formes transitoires que prend l’animal en changeant de milieu. Le cysticerque, ver simple et agame qui réside dans les tissus, devient un ver rubanaire en passant dans le tube digestif de l’animal qui l’a dévoré. Chez les syllis, il y a production d’un animal différent de celui qui l’a engendré ; cet animal nouveau ne sert pour ainsi dire que de magasin aux élémens mâles ou femelles de la reproduction.

Il est vrai que ces transformations sont renfermées dans un cycle de métamorphoses, et qu’elles ne constituent en réalité qu’une même existence animale individuelle, ainsi que l’a fait voir M. de Quatrefages dans une curieuse série d’études publiée dans la Revue[1]. Ce sont non des générations hétérogènes, mais des générations alternantes, pour nous servir de l’expression de Steenstrup. L’infusoire ou le zoophyte passe en réalité par différens états que nous représentent ces animaux, en apparence différens. Après avoir longtemps vécu sous des formes transitoires, l’animal finit par arriver à l’état parfait dans lequel il engendre l’œuf, seul principe de vie. Les insectes nous offrent des phénomènes analogues. On voit l’œuf pondu donner naissance à une larve ou chenille : celle-ci se transforme ensuite en une nymphe ou chrysalide, d’où sort l’insecte véritable. Les méloïdes, qui vivent dans les cellules des abeilles, et ont été récemment observées par un patient entomologiste, M. Fabre, passent même par sept états ou métamorphoses. Ces méloïdes ou plutôt ces coléoptères sitarides déposent leurs œufs dans les galeries sinueuses qui conduisent aux cellules de la ruche. Leurs œufs forment des amas de particules si déliées, que le microscope n’en a pas découvert moins de 2,000 dans une masse à peine visible à l’œil nu. Une larve en sort, longue tout au plus de 1 millimètre.

  1. livraisons du 1er et du 15 avril 1855, du 1er, 15 juin et 1er juillet 1856.