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que cette intervention ne se soit pas toujours exercée. Autrement dit, la nature n’a jamais perdu sa faculté de création ; mais comme il faut, pour que cette puissance se manifeste, que les conditions nécessaires à la vie des nouveaux êtres se soient préalablement produites, tant que l’état de la terre ou d’une région de la terre est demeuré le même sous le rapport biologique, de nouvelles plantes, de nouveaux êtres, n’ont pas dû apparaître. Et puisqu’à partir de l’âge que les géologistes appellent récent, bien qu’il compte plusieurs milliers d’années, la terre se trouve dans des conditions presque invariables, le règne organique n’a pu présenter de variations notables. En effet, quelque haut que l’on remonte dans l’histoire, ce qui ne nous amène pas du reste à plus de vingt-cinq ou trente siècles en arrière, on retrouve toujours les mêmes formes animales et végétales. Les monumens écrits ou figurés de l’Égypte, de l’Assyrie, de la Palestine, de l’Inde, de la Chine, ne nous parlent que d’animaux semblables à ceux qui habitent encore les mêmes contrées. Non-seulement les genres, les espèces, n’ont pas varié, mais on reconnaît jusqu’aux variétés actuellement subsistantes. Les graines découvertes dans les tombeaux égyptiens sont celles des végétaux qui continuent de croître aux bords du Nil. Les races d’hommes qui ne constituent que des variétés d’un type unique ont déjà, dans ces mêmes pays, les caractères qui les distinguent aujourd’hui. Ce fait témoigne de la persistance des conditions climatologiques des lieux où on l’observe, mais il ne saurait infirmer le témoignage plus éloquent et plus décisif des fossiles. D’ailleurs nous remarquons tous les jours des variations dans les plantes et les animaux ; leurs caractères se modifient sous l’influence d’un sol et d’un ciel nouveaux, d’un genre de vie et d’un habitat différens. Il en résulte des espèces ou tout au moins des variétés nouvelles. Et pourtant, objectent certains naturalistes, ces altérations ne se produisent que dans des limites assez étroites ; le port, le feuillage, la taille d’une plante, peuvent se modifier ; la peau, le poil d’un animal éprouver des changemens de couleurs, les proportions du squelette varier légèrement ; toutefois l’organisation fondamentale demeure constamment identique. En d’autres termes, des variétés prennent naissance, mais des espèces, des genres nouveaux, ne se forment jamais, et la preuve, c’est que, quoi qu’on fasse, aucune génération ne saurait se produire entre des animaux d’espèce ou de genre réellement différens.

Le fait est incontestable, et il est à noter aussi que l’éloignement se produit parfois entre des animaux qui n’appartiennent réellement qu’à des variétés. Plus ces variétés sont devenues divergentes, moins les êtres ont eu de tendance à se rapprocher. Si donc, par suite de causes que nous ne pouvons apprécier, mais qui tiennent à des changemens dans les conditions biologiques, des animaux ont