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couches de la craie que se sont produites les conditions nécessaires pour l’existence des oiseaux, autant du moins qu’on en peut juger par l’état encore fort imparfait de l’ornithologie fossile.

Les mammifères sont d’une date moins ancienne encore. Ils appartiennent tous à la période dite tertiaire, à l’exception toutefois des didelphes ou marsupiaux, qui paraissent dater de l’époque jurassique. C’est que les conditions d’existence de cette dernière classe si curieuse, qui forme à elle seule presqu’un ordre à part ayant des divisions correspondantes à celles des autres animaux monodelphes, sont tout à fait différentes de celles des véritables carnassiers. On les trouve en effet singulièrement multipliés dans l’Australie, où la plupart des autres mammifères n’existaient pas à l’origine. Les rongeurs, les pachydermes ouvrent la marche ; leurs restes se trouvent dans le plus ancien des étages tertiaires, tandis que les cétacés, les amphibies, les insectivores, les édentés, les ruminans manquent durant la première et souvent aussi durant la seconde époque de cet âge, où la terre s’approche des conditions actuelles. Les singes ou quadrumanes, dont on avait longtemps cherché en vain des fossiles, ont fini par se montrer. Si le principe de la perfection graduelle de l’organisme avait été vrai, les quadrumanes n’auraient dû se trouver que dans l’étage tout à fait supérieur des terrains tertiaires ; or il n’en est rien. Quand on divise la formation tertiaire en quatre étages, en commençant par l’étage nummulitique et en finissant par l’étage subapennin, on constate que les vestiges de quadrumanes datent du second étage, l’étage parisien, et sont déjà plus nombreux dans l’étage immédiatement supérieur. Un fait digne de remarque, c’est que les singes se trouvent aux dernières époques géologiques, distribués comme ils le sont aujourd’hui. Les singes dits de l’ancien continent, ou catarrhinins, reconnaissables à la disposition de leurs narines, dirigées en bas, à l’étroitesse de la cloison du nez et à la forme de leurs molaires, qui rappellent celles de l’homme, ne se sont trouvés à l’état fossile que dans l’ancien monde, tandis que les fossiles des singes du nouveau continent ou platyrrhinins, qui ont les narines séparées par une large cloison et ouvertes sur les côtés, n’existent qu’en Amérique. Ce fait nous démontre qu’à la période tertiaire, la distribution de certains animaux était à peu près la même que de nos jours, d’où il suit que les conditions biologiques nécessaires à l’existence de ces espèces n’ont pas changé durant cette longue période.

Toutefois des disparates s’observent à côté de ces analogies. Quoique l’âge tertiaire nous transporte dans un monde assez semblable à celui au sein duquel nous vivons, les fossiles dénotent des conditions parfois plus favorables au développement de certaines familles que celles de la terre actuelle. Les pachydermes, les édentés,