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pénètre. Ainsi depuis des millions d’années le noyau terrestre tend à s’accroître, l’écorce s’épaissit rien que par la décomposition des végétaux et des animaux. Et voilà pourquoi on ne peut séparer l’existence et la production des êtres organisés de la formation du globe lui-même.


II

L’examen des couches terrestres nous atteste donc la haute antiquité du règne organique sur notre planète, et l’un des premiers soins des géologistes a été de dresser la chronologie des révolutions qui ont successivement modifié à la surface du globe la distribution des êtres. Comme on ne découvrait dans aucune formation ancienne les restes de l’homme, comme on ne voyait apparaître les mammifères que dans les terrains tertiaires, on admit naturellement que la création avait procédé selon l’échelle zoologique ascendante : on crut que la succession des animaux devait répondre à la gradation de l’organisme dans toute la série organisée. On fut ainsi entraîné à partager l’histoire de la terre en époques, marquées chacune par l’apparition de genres ou d’espèces d’un ordre de plus en plus élevé. Et la Bible exerçant encore sur les opinions une grande influence au temps où ces idées se produisaient, on chercha des correspondances entre la Genèse et les âges géologiques. Les six jours devinrent de grandes époques, car il était impossible d’entendre littéralement le mot iom, dont se sert le livre saint. Cependant la Genèse avait eu le soin, pour qu’on ne se méprît pas, de compter les jours selon la manière juive, et d’indiquer que chacun de ces jours commença par un soir et finit par un matin. Les géologistes ne s’embarrassèrent pas de la difficulté, et les théologiens adoptèrent pour la plupart une explication qui est aujourd’hui reproduite par bien des gens, et qu’on retrouve notamment dans le livre de M. Snider sur la Création et ses mystères dévoilés. Il suffit pourtant de lire la Bible sans aucun esprit de système pour se convaincre qu’il n’y est fait nulle mention d’époques, et que l’auteur sacré a eu encore moins la prétention de donner un exposé systématique de l’ordre suivi par le Créateur. La classification des naturalistes ne correspond en aucune façon à celle de la Genèse. Dans le récit biblique de la création, on voit les eaux se rassembler, afin que la partie solide, la terre, paraisse ; Elohim ordonne à la terre de se couvrir de végétaux et d’arbres fruitiers, et ce n’est qu’après l’apparition de ceux-ci que sont créées les étoiles, uniquement destinées, nous dit le livre saint, à éclairer le monde que nous habitons. Puis Elohim ordonne que les eaux pullulent d’êtres doués de vie, et que les airs se peuplent de volatiles. Il crée les grands cétacés et tous les animaux qui rampent dans les eaux. Suit l’apparition des animaux terrestres, des bestiaux, des