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de prendre la mer et de passer à traversées vaisseaux ennemis ; mais les nuits étaient semées d’étoiles, et la mer toujours calme. »

Enfin, le quatrième jour, un vent violent du sud s’éleva, et fit sortir les bâtimens turcs de leur immobilité. Les défenseurs de Missolonghi poussèrent un long cri de joie en apercevant sept voiles hydriotes qui venaient de Patras, en même temps que les vaisseaux ottomans, à moitié désemparés par la tempête, se réfugiaient en toute hâte à Ithaque. Le blocus était levé, et le lendemain la flottille grecque jeta dans la ville assiégée sept cents hommes, commandés par Pietro-Bey Mavromichalis. Les jours suivans, quinze cents Péloponésiens arrivèrent encore. La place se trouvait dès lors en état de résister (11 novembre), Omer-Brionès était resté l’impassible témoin de tous ces mouvemens ; on n’avait point eu de peine à lui persuader que la petite escadre grecque n’avait quitté Patras que pour opérer le transport des trois cents familles autorisées par le traité à sortir de Missolonghi. Aussi, les délais étant expirés, envoya-t-il demander, les clés de la ville. Botzaris lui répondit par cette parole de Léonidas aux Thermopyles : « Si tu les veux, viens les prendre[1]. »

Nous n’entrerons point dans le détail des inutiles assauts que livrèrent les Turcs, ni des brillantes sorties par lesquelles les Grecs se signalèrent. Omer, désespérant de réussir par la force, eut recours à la ruse. On approchait des fêtes de Noël. Les Grecs apportent dans leurs pratiques de dévotion une ferveur qui tient quelquefois de la superstition ; ils observent avec une extrême rigueur les nombreuses solennités et les prescriptions sévères de leur rite, et les fêtes de Noël sont de celles qu’ils célèbrent avec le plus de pompe. Il était donc probable que, pendant cette nuit, les défenseurs de Missolonghi seraient absorbés par la prière, et qu’ils quitteraient les remparts pour assister aux offices divins. Omer résolut de profiter de cette circonstance pour tenter une escalade nocturne. Au premier coup de cloche qui retentirait dans la ville, les troupes musulmanes devaient s’avancer avec précaution, tenter un assaut qui, d’après les calculs du pacha, n’offrirait ni difficultés ni péril, et massacrer les chrétiens dans leurs églises. Fort heureusement un Grec attaché au service personnel d’Omer-Pacha avertit secrètement Botzaris de ce projet la veille même de Noël. Sur l’ordre de celui-ci, toutes les cloches de la ville sonnèrent à grandes volées une heure avant minuit, et chacun courut à son poste de combat. Les Turcs, persuadés que les chrétiens répondaient à cet appel religieux, et qu’ils ne s’occupaient que de la célébration du grand anniversaire de la naissance du Christ, se mirent en route avec assurance,

  1. Tricoupi, t. Ier, p. 371.